Ce n'est pas la première fois que Benachenhou, architecte de la loi de finances et “timonier” des réformes économiques, exprime son malentendu avec le gouvernement. À se fier à certaines indiscrétions, il boude presque régulièrement les conseils de gouvernement. Qu'est-ce qui a donc poussé Abdelkader Bensalah, président du sénat, à encenser le rendement de l'exécutif ? Et surtout pourquoi en a-t-il ressenti le besoin ? Si, à l'évidence, dans le système politique algérien on est habitué depuis l'Indépendance à hisser sur le pavois les forts du moment, de surcroît lorsqu'on est de la même famille politique, il reste que l'excès dans les louanges charrie quelquefois des relents “d'incertitudes”. Ce qui s'apparente à un cafouillage est d'autant plus plausible qu'au moment même où le deuxième personnage de l'Etat accréditait l'équipe gouvernementale que dirige Ahmed Ouyahia de “dynamisme”, un ministre très proche du président de la République, Abdelatif Benachenhou, ministre des finances, pour ne pas le nommer, se démarque, depuis Tlemcen où il se trouvait en visite, de la politique du gouvernement. Une “incartade” qui n'est pas sans révéler le malaise qui couve en sourdine au sein de l'exécutif. Autre indice fort éloquent : ces sorties simultanées interviennent au moment où de nombreux observateurs relèvent une certaine apathie dans l'action gouvernementale. Les réformes économiques ont du mal à atteindre la vitesse de croisière, et les privatisations annoncées en grande pompe battent de l'aile. Faut-il conclure pour autant qu'Ahmed Ouyahia et, par ricochet, le RND sont en mauvaise posture ? L'absence de visibilité politique, le caractère hybride de la coalition et les “raisons du système” commandent quelques précautions. Bien entendu, au RND, on affiche la sérénité. Et on ne s'encombre pas de ce qui est qualifié comme étant des affabulations des “partisans du bradage”. “Ce sont les partisans du bradage qui disent que les réformes sont bloquées”, soutient Seddik Chihab, l'un des bras droits d'Ahmed Ouyahia. Comme pour concéder, en pointillé, les lenteurs relevées dans l'action de l'exécutif, le chef du groupe parlementaire au sénat du RND affirme que “la démarche de l'exécutif prend en ligne de compte le côté social et les intérêts de la population”. Mais mieux, entre la formation d'Ahmed Ouyahia et le président Bouteflika, c'est la lune de miel. “On soutient le Président et on soutient l'amnistie qui doit s'inscrire dans le cadre global de la réconciliation nationale”, dit-il. Il reste cependant qu'au RND, on n'est toujours pas “sûr” des positions acquises. C'est ainsi que depuis quelques semaines, une effervescence particulière s'est emparée du parti : après plusieurs activités à l'intérieur du pays pour expliquer et vulgariser le projet de réconciliation et d'amnistie générale, le RND organise, demain à Sidi-Fredj, une conférence sur “la politique économique et sociale du parti”. Une activité ordinaire qui ressemble, à s'y méprendre, à une espèce de répétition générale pour comme qui dirait anticiper quelques changements futurs, mais surtout répondre aux détracteurs d'Ahmed Ouyahia. Une activité, soit dit en passant, qui sera animée par deux poids lourds, en l'occurrence l'ex-ministre Harchaoui et le responsable à l'organique au sein de l'UGTA, M. Djenouhat. Et si l'on ajoute les ambitions présidentielles, jusque-là dissimulées, du patron du RND, lesquelles n'échappent pas, loin s'en faut, à la vigilance de Abdelaziz Bouteflika et le retour du général à la retraite Betchine, un homme sans doute rappelé pour une mission bien définie, on comprendra peut-être aujourd'hui le “flottement de l'exécutif” et cette “frénésie” qui a happé le RND. K. K.