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Comment s'affranchir de l'Oncle Sam?
BRUXELLES TENTE DE RESISTER À L'HEGEMONIE DE WASHINGTON
Publié dans L'Expression le 22 - 05 - 2018


Macron, May et Merkel cherchent la solution
L 'alliance stratégique transatlantique bat de l'aile depuis l'arrivée de Donald Trump aux commandes de la Maison-Blanche.
L'accord auquel sont parvenus hier, Américains et Chinois, vise aussi à isoler l'Union européenne dans cette guerre commerciale et politique qui l'oppose aux Etats-Unis. Washington veut faire plier Bruxelles non seulement en raison du déséquilibre de la balance commerciale favorable à l'Union européenne (146 milliards de dollars) mais aussi pour le double «affront» osé par la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne d'avoir refusé de se retirer de l'accord sur le nucléaire iranien et de s'être opposées au transfert de l'ambassade des Etats-Unis à El Qods occupée. L'alliance stratégique entre l'Europe et les Etats-Unis bat de l'aile depuis l'arrivée de Donald Trump aux commandes de la Maison-Blanche, d'autant plus qu'au-delà de la gestion des affaires de l'Etat avec ses humeurs, le populisme et l'ultranationalisme qui caractérisent le programme politique de Trump encouragent les courants fascisants et chauvins dans les pays européens ce qui explique d'ailleurs leur montée en puissance et même leur accès au pouvoir en Autriche, en Italie, en Hongrie, en Pologne...pour ne citer que ces pays alors qu'en France, l'extrême droite est la seconde force politique. Les premiers couacs dans la lune de miel euro-américaine ont commencé lors de la première guerre du Golfe lorsque la France n'a pas seulement refusé de prendre part à l'invasion de l'Irak mais a été très critique à l'égard des Etats-Unis. En fait, le processus de création de l'Union européenne, a été depuis ses débuts, la manifestation de velléités d'indépendance économique, politique et sécuritaire vis-à-vis des Etats-Unis qui, depuis la libération en 1945 et ensuite le plan Marshall, se sont imposés comme le tuteur de l'Europe faisant du Bloc de l'Est l'épouvantail qui menace la sécurité et la démocratie occidentales. Les relations transatlantiques ont fait l'objet de nombreuses études de sociologues, de politologues, d'historiens...abordant divers aspects de ce couple oedipien où le «fils» reproduit le modèle patriarcal et l'impose à une «mère» en quête de liberté. Sophie Huber écrit dans son livre paru en 2013, «Polyphonie sur l'identité de l'Europe communautaire»: «La découverte par les Européens du Nouveau Monde américain au XVe siècle avait marqué le début d'une relation où perceptions d'identité et d'altérité entre les deux rives de l'Atlantique s'étaient étroitement mêlées. Conscientes de leur appartenance à une même civilisation, Europe et Amérique se disputaient le statut de modèle à suivre: alors que l'ancienneté de l'Europe lui permettait de revendiquer une primauté culturelle, la jeunesse politique de l'Amérique renvoyait l'Europe à son instabilité meurtrière, à son inexorable déclin.» Lors de la Seconde Guerre mondiale les Etats-Unis sont perçus par les Européens comme des libérateurs avant d'être reconnus comme étant à l'origine de la résurrection de l'Europe grâce au «généreux» plan Marshall qui a permis la reconstruction de l'Europe et la remise sur les rails de son économie en ruine. Face au «péril rouge», les Etats-Unis ont fait de l'Europe de l'Ouest un avant-poste de sa stratégie de défense offensive. Cependant, à la fin des années cinquante, De Gaulle et Adenauer, des Européens jaloux de leur indépendance, ont lancé l'idée et les fondements d'un marché commun européen seule stratégie pouvant garantir l'autonomie du Vieux Continent afin de pouvoir formuler à terme une politique étrangère commune et un système de sécurité et de défense propre aux Européens. D'ailleurs, Charles de Gaulle avait retiré la France de l'Otan, affirmant ainsi une volonté d'indépendance et une vision de ce que doit être l'Europe. La vision de De Gaulle était incompatible avec l'hégémonie américaine au sein de l'Alliance, notamment pour tout ce qui touche au nucléaire et à l'intégration des forces armées des pays membres au sein d'un commandement unifié. De Gaulle en tire les conséquences et la France quitte l'organisation militaire intégrée en 1966. Toutefois, des accords de coopération des forces armées françaises avec les forces de l'Otan sont rapidement signés atténuant significativement la portée pratique de cette sortie de l'Otan. Cette coopération est renforcée par les présidents français successifs, jusqu'en 2009 lorsque Nicolas Sarkozy avait décidé de réintégrer la France au commandement unifié de l'Otan. La puissance économique de l'Europe a permis la création de la monnaie unique, l'euro, devant à terme contrecarrer l'hégémonie de la monnaie de l'Empire. Mais l'euro n'arrive pas à s'imposer comme monnaie d'échange au même titre que le dollar d'où les tentatives vaines de l'Union européenne d'élargir leur zone économique à l'est avec les pays de l'Europe centrale après la chute du mur de Berlin et au Sud avec les pays de la rive sud de la Méditerranée. Le processus de Barcelone (1995) et l'Union pour la Méditerranée (2008) sont des mort-nés. A travers ces deux organisations intergouvernementales regroupant les pays membres de l'UE et les pays de la rive sud de la Méditerranée en plus de la Mauritanie et de la Jordanie, l'Union européenne espérait s'assurer un marché de 300 millions de consommateurs, une zone tampon la protégeant des mouvements migratoire et extrémistes venant du Sud et une zone d'influence où Bruxelles pourrait tester sa fameuse Pesc (Politique extérieure et de sécurité commune). Et c'est justement dans le conflit israélo-palestinien, chasse gardée de Washington que l'UE a manifesté ses velléités autonomistes, mais sans compter sur les capacités de riposte des Etats-Unis. L'échec cuisant des différentes tentatives de Bruxelles de s'affranchir de la tutelle sécuritaire et diplomatique des Etats-Unis s'est affirmé avec l'alignement aveugle de la majorité des pays membres de l'Union européenne sur les options stratégiques de l'Oncle Sam qui ne rate aucune occasion pour rappeler ses alliés à l'ordre. Aujourd'hui, face aux risques d'une guerre commerciale, d'un clash à cause de la divergence sur le nucléaire iranien et du désaccord sur le traitement du conflit palestino-israélien, l'Europe tente de réagir en rangs serrés et de ne pas se laisser faire encore moins de se faire dicter une attitude. Jusqu'où peut aller l'Union européenne dans sa résistance au diktat américain et au refus de son hégémonie et de son rôle de gendarme du monde?


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