Cet avant-projet qui pose la problématique de la gestion des finances du pays, ressuscite les peurs de certains, les fantasmes des autres Un sérieux et déterminant virage venait d'être négocié par la République du côté du palais Zighout Youcef. Pour Djelloul Djoudi du PT «l'Etat est en train de changer de nature et de manière profonde». Mercredi dernier, alors qu'on bouclait la première semaine du Ramadhan a eu lieu, devant une Assemblée clairsemée et une partie de députés assommés par le jeûne, un événement politico-financier majeur: la présentation du projet de loi organique relative aux lois de finances. Le dossier est passé presque inaperçu ne suscitant aucune «boursouflure» médiatique. Pourtant, les parlementaires étaient en train de discuter une sorte de «Constitution financière de l'Etat». Cet avant-projet qui pose la problématique de la gestion des finances du pays, ressuscite les peurs de certains, les fantasmes des autres, mais détruit bien de conforts. Le premier député à poser crûment ses craintes a été celui du Parti des travailleurs par la voix de Djelloul Djoudi qui estime qu' «il y a violation des articles de cette loi par des décrets exécutifs». L'une de ces «nouveautés» qui font peur dans ce projet est que désormais, une loi de finances sera établie sur la base des objectifs et non pas selon les besoins des différents départements ministériels. On s'interroge alors sur ce qui adviendra des ministères de la Solidarité nationale, des transferts sociaux et de la protection des couches sociales défavorisées. Pourtant, sur cette question précise, le président de la République a été intransigeant. «Il n'est pas question de céder sur la protection des couches sociales défavorisées», insistait à chaque fois le chef de l'Etat. Pour mieux ficeler cet article, il est donné au ministère des Finances la possibilité de changer une dotation budgétaire d'un ministère durant l'exercice annuel. Cela peut intervenir sur une loi de finances qui a été préalablement adoptée en Conseil des ministres et signée par le président de la République. Autres nouveautés, c'est que l'Etat peut financer des investissements privés. C'est une première en Algérie. Dans le rôle qui est le sien, l'Etat a toujours financé des investissements publics, mais jamais privés. Il ne faut pas faire la confusion avec les crédits accordés par l'Etat à travers les banques et sous différentes formes pour financer des projets d'investissements privés, mais jamais dans l'argent du Trésor public. C'est dire qu'un sérieux et déterminant virage venait d'être négocié par la République du côté du palais Zighout Youcef. Pour Djelloul Djoudi du PT «l'Etat est en train de changer de nature et de manière profonde». Les députés étaient partagés et on a assisté au classique et habituel échange selon lequel la majorité applaudit et l'opposition dénonce. Avons-nous avalé une couleuvre en cette journée de Ramadhan? Le député du FLN, Mohamed Kadik a estimé que cette loi dotera la tutelle des outils de protéger l'argent public, l'économie nationale et le citoyen. Son collègue du RND, Hakim Berri, a estimé que cette loi est un saut qualitatif en matière de réformes financières en cette conjoncture économique, affirmant qu'elle permet une meilleure élaboration des lois de finances à l'avenir dans le but de préserver les acquis des citoyens et d'encourager le développement économique du pays. La députée Leila Hadj Arab du Front des forces socialistes (FFS) a critiqué le renvoi à la voie réglementaire de 21 articles dudit projet de loi et des décrets ministériels, estimant que c'est là un empiètement sur les attributions du Parlement et une consécration du «flou». Selon elle, la possibilité de recourir aux décrets de rattachements de crédits au motif de l'existence de charges non prévisibles destinées à certaines dépenses imprévues, compromet la transparence de cette loi. Pour sa collègue Fetta Sadat (FFS), cette mesure vise à «se soustraire» au contrôle du Parlement et de la Cour des comptes. Le député Lakhdar Benkhellaf (Union Ennahda-Adala-Bina) considère que ce projet de loi, dans ses dispositions, sera confronté au défi de «la transparence». Plus percutant, Djelloul Djoudi, du PT s'intérroge sur l'intérêt de débattre et de modifier cet important texte s'il n'est pas respecté. «Cette loi doit engager les départements ministériels à faire part de leurs besoins pour l'élaboration des budgets» soutient-il.