Le projet a été lancé dans un contexte de querelles et de contradictions interpartisanes. Les principaux partis politiques promoteurs du projet présidentiel semblent s'éloigner de leur sujet. A onze jours du référendum, la réconciliation nationale n'est abordée dans les meetings que de façon presque superficielle. Pour le RND et le FLN, cette campagne s'apparente à une rampe de lancement aux prochaines échéances électorales. En revanche, le PT de Louisa Hanoune et Islah de Djaballah, y voient une tribune d'expression. Le FLN et le RND ne cachent pas leurs ambitions. A chaque meeting, ces deux partis se projettent au-delà du 29 septembre et mobilisent leurs militants pour l'échéance des partielles en Kabylie et celle des législatives de 2007. Paradoxalement, c'est au moment où ils appellent les Algériens à se réconcilier entre eux que l'échange de fléchettes empoisonnées entre Belkhadem et Ouyahia fait rage. Chaque formation soupçonne l'autre de manoeuvres machiavéliques. Le RND, un sérieux rival du vieux parti, compte retrouver sa «suprématie» de 1997 à la faveur des prochaines élections. Pour lui, la campagne pour les doubles élections législatives et locales de 2007 a commencé. Les responsables du RND ont déjà donné «des consignes et des instructions» à leurs élus. A l'offensive et avec la même agressivité politique, Belkhadem n'abandonne pas le terrain à son rival, le RND. Il a appelé lui aussi ses élus à multiplier leurs efforts afin de concrétiser le programme du parti et celui du chef de l'Etat qui est également président du FLN. «Nous ne sommes pas seulement la locomotive de la réconciliation nationale et de l'amnistie générale, mais nous sommes ceux qui l'ont mise en marche», a-t-il appuyé. Islah et le PT s'engouffrent dans la brèche de la campagne pour la réconciliation. Ils se réapproprient des canaux d'expression habituellement réservés «aux partis proches du pouvoir». Une «manoeuvre» politique que ces partis ont trouvée pour accéder aux médias lourds fermés à l'opposition. Chemin faisant, Islah et PT qui n'ont pas complètement renoncé à leurs idées d'opposants, vont jusqu'à critiquer certains points du projet présidentiel. Djaballah avance que le projet de charte pour la paix et la réconciliation «a omis d'évoquer les autres relents de la crise ayant un rapport avec la portée politique». Une déclaration qui exclut de fait Djaballah des canaux médiatiques officiels. Mais quand il ajoute: «(...) En dépit de cela, c'est un pas important et c'est pour cela que nous l'adoptons et demandons à la nation de le plébisciter», l'interdiction est levée. De même, Louisa Hanoune souligne la contradiction entre le discours du Président Bouteflika qui évoque l'implication de «plusieurs parties» dans le conflit et le texte du «projet de charte» qui charge le seul ex-FIS, interdisant à ses dirigeants d'activer politiquement. «Cela prouve que le texte de la charte est le résultat du compromis», déclare-t-elle. Elle ajoute qu'après la paix, «on pourra ouvrir le débat sur les responsabilités qui sont, au moins, partagées». C´est dans ce contexte de querelles et de contradictions qu'a été lancé le projet de «charte pour la paix et la réconciliation nationale». Mais c'est compter sans le président de la République qui commande lui-même la locomotive de la campagne électorale. Avec plusieurs sorties de sensibilisation doublées d'inaugurations, les luttes inter- partisanes ne constituent que «l'écume» des choses. Car au fond, ce sera quand le président aura décidé et tranché sur les supputations que le FLN et le RND évoquent que la partie va réellement commencer.