Habib Yousfi, président de la Cgea, une des plus anciennes organisations du patronat en Algérie, a bien voulu décortiquer la teneur de cet accord et nous livrer son analyse et la position de l'organisation qu'il dirige. Se réjouissant que L'Expression s'enquiert de la position de l'ensemble du patronat à travers une série d'entretiens avec divers hauts responsables de ce secteur, à l'égard de l'accord d'association signé entre l'Algérie et l'Union européenne, et ce, si rapidement après son entrée en vigueur, Habib Yousfi, président de la Cgea, une des plus anciennes organisations du patronat en Algérie, a bien voulu décortiquer la teneur de cet accord et nous livrer son analyse et la position de l'organisation qu'il dirige. Avant d'exprimer les détails sur la position de son organisation sur l'accord d'association avec l'UE entré en vigueur début septembre 2005, le président de la Confédération générale des entreprises algériennes (Cgea), dira que «les pouvoirs publics ont conclu un accord à l'image d'un «contrat» pour permettre d'arrimer résolument l'économie algérienne aux potentialités qui caractérisent la grande structure économique régionale européenne (UE) et de promouvoir notre économie vers la modernité». De ce fait, c'est une nouvelle phase pour l'économie nationale qui débute. «Il était temps pour l'Algérie, a encore estimé Yousfi, de préparer son économie à entrer dans une phase nouvelle pour une meilleure compétitivité dans un monde «unipolaire» qui a transformé les économies nationales européennes en une seule économie mondialisée dont les règles ont été codifiées par l'OMC.». Il est évident que l'Algérie doit assurer une mutation complète pour arriver à s'extirper d'une économie planifiée et s'engager vers une véritable économie de marché. Elle devait le faire pour cueillir les avantages des développements intervenus sur l'arène économique européenne. Quelles que soient les considérations que l'on peut avancer sur les dispositions de l'accord d'association, il est un fait indéniable qu'il constitue «un passage obligé» a souligné Yousfi qui poursuit «cela permettra de faire de l'Algérie un pays émergent». «Nous, en tant que citoyens et opérateurs économiques, partie prenante, de l'accord, nous devons conforter cet accord signé par l'Etat algérien» s'est engagé Yousfi. Il précise sur un autre plan que si l'on examine profondément cet accord, «on trouvera dans son contenu des dispositions permettant de sauvegarder certaines activités». L'Algérie pourrait les considérer comme quelque peu «périlleuses» pour elle dans le cadre de l'âpre lutte de la compétitivité et demander, comme le stipule l'accord, la «révision de certaines clauses». M.Yousfi devait, en outre, souligner que «le patronat actif sur le terrain, soutient sans faille, en ce qui le concerne, les positions du gouvernement à l'égard de cet accord». Il relèvera toutefois, qu' «une opinion sur un sujet aussi délicat nécessite une analyse rigoureuse car les propos qui pourraient être émis, seront destinés à plusieurs adresses, notamment les missions diplomatiques, européennes en particulier, puisque c'est d'elles qu'il s'agit, qui vont la «scanner». Aussi, Habib Yousfi a déploré « les déclarations faites ici et là à ce sujet». Celles-ci, remarque-t-il sur un ton tranchant, «relèvent d'une indigence intellectuelle qui devient à la limite indigeste». C'est là une vision qui risque de «casser la dynamique qui rassemble tout le monde du patronat et c'est malsain comme attitude» a regretté Yousfi et de penser que «pour engager une opinion sur un thème aussi délicat et complexe par sa diversité, il faut supposer être «acteur» dans l'arène économique depuis fort longtemps et supposer aussi que le niveau intellectuel de ces «gens» soit à même de conforter la compréhension du lecteur citoyen». Ce «sévère » réquisitoire énoncé par Yousfi, s'adresse, selon lui, aux «nouvelles organisations qui prétendent «damer le pion» aux autres organisations patronales». Tenter d'assurer un crédit à une organisation au détriment d'une autre déjà existante depuis fort longtemps constitue, pour le moins qu'on puisse dire, «un manque de clairvoyance» et relève, une fois encore, d'une «indigence intellectuelle» soulignera-t-il et d'ajouter «quand on ne sait pas communiquer, on s'abstient, si on veut par contre communiquer, on ne polémique pas». Pour Yousfi, il est toujours concevable de développer une idée en dressant un constat sérieux sur l'accord, basé sur des faits vérifiables, mais sans pour autant verser dans un « constat négatif qui dessert le patronat» dans sa globalité. Aussi notre interlocuteur regrette que certains tentent de se servir de l'opportunité de la conclusion de l'accord avec l'UE pour «doper une organisation au détriment d'une autre». S'interrogeant sur les déductions qui peuvent être faites sur l'application de l'accord entré en vigueur le 1er septembre 2005, il citera l'abattement des barrières douanières sur les matières premières ou intrants ainsi que sur plus de 2000 positions tarifaires. A celles-ci, il faut ajouter quelques positions tarifaires dites contingentées, comme le sucre raffiné. Une baisse des produits pour le consommateur «Quel constat pourrions-nous faire sur ces abattements tarifaires à l'importation?» s'est-il encore interrogé. Pour de nombreux producteurs algériens des produits concernés, il est évident que ces abattements ne peuvent que conduire à une «baisse sensible des coûts» qui devrait se traduire normalement par une «baisse dont profiterait le consommateur». Etayant son jugement quant à l'application de la première phase d'application de l'accord, Yousfi s'est dit pleinement rassuré en qualifiant de «positifs» les impacts de cette étape sur l'économie algérienne.. Dans le cadre de l'application de la seconde phase de l'accord, le patron de la Cgea a par ailleurs indiqué que les positions tarifaires de 15% seraient ramenées à 5% et concerneront beaucoup de produits algériens semi-«ouvrés» . Dans ce cas précis, «un effet négatif est à craindre si les producteurs algériens ne prennent pas conscience que les valeurs ajoutées de leur production devraient être plus importantes pour justement contrecarrer ces aspects négatifs» avertit-il. Poursuivant son analyse, Habib Yousfi estime cependant que «cette volonté des opérateurs économiques algériens devrait être basée sur l'esprit de l'innovation exercée dans un cadre de compétitivité qui tienne compte des avantages comparatifs, ceci, en restant dans les limites d'une loyale compétition». Une concurrence loyale suppose a priori, a-t-il dit, que l'Etat algérien puisse évoluer dans le même environnement des deux compétiteurs (vendeur-acheteur) Le président de l'organisation patronale met toutefois le doigt sur une problématique qui exige de l'Etat une rapide accélération de l'assainissement environnemental de l'entreprise afin de le mettre au même niveau que celui au sein duquel évolue l'entreprise européenne. La lutte contre l'informel Pour réussir cette mue vers une économie de marché saine, «il faut, a insisté Yousfi, lutter rapidement et avec forte détermination, contre l'informel, revisiter les réformes du système financier dans son ensemble, (bancaire, fiscal), enfin, toutes les institutions qui interviennent pour faciliter la régulation de l'activité économique du marché tout en assurant une saine concurrence ». Aussi, les entreprises algériennes qui n'ont pas pu se mettre à niveau sur le plan du management et de l'introduction des nouvelles technologies, doivent comprendre que « leur avenir est « compté » avertit-il, à charge pour elles de « relever le défi si elles en sont capables». Dans cet ordre d'idées, le marché européen est ouvert aux opérateurs économiques algériens. Il s'agit là, remarque-t-il, d'une opportunité qu'ils doivent saisir pour promouvoir leurs produits sur le marché européen. Cette démarche ne peut cependant être prise en compte que dans la mesure où les pouvoirs publics s'impliquent par le truchement d'un soutien qui s'avère indispensable sur le plan pratique au niveau des ports algériens et au niveau des missions diplomatiques algériennes en Europe qui sont tenues de mieux assister l'opérateur économique algérien. «C'est ainsi, conseille-t-il, que nous pourrions avantageusement profiter de cet accord et souscrire à l'exportation hors hydrocarbures devenue pour l'avenir de l'Algérie, impérative». Cet accord constitue le premier passage codifié qui devrait permettre aux opérateurs algériens d'envisager le défi à relever dans la perspective de l'entrée de l'Algérie dans l'OMC, où dès lors, la concurrence sera extrêmement difficile à soutenir, craint à juste titre Yousfi. Sur ce point précis, le ministre du Commerce a institué récemment une commission de suivi et d'évaluation de l'accord d'association signé entre l'Algérie et l'UE, rappelle Youfi, qui estime que cette commission se veut être un «garde-fou» protecteur. Ceci prouve sans conteste que les pouvoirs publics sont soucieux de préserver les branches d'activité qui pourraient être menacées par une concurrence déloyale. Pour être efficace, cette commission est habilitée à instaurer des barrières invisibles et de mettre en place un dispositif rigoureux de contrôle des importations de denrées et autres produits par l'application de normes internationales strictes du point de vue qualité. En effet, réguler le marché ne signifie en aucun cas importer n'importe quoi, dont «voudrait se débarrasser un quelconque exportateur européen ou autres, vers l'Algérie» comme il a été, hélas, maintes fois vérifié, vers des pays en voie de développement. A ce propos, il précisera que même le sucre produit en Algérie, devra impérativement répondre aux normes internationales requises. Il faut, a estimé Yousfi dans la conclusion de l'entretien accordé au quotidien L'Expression, que l'Algérien comprenne que « nous sommes à l'orée d'une transformation radicale de notre économie et que seules comptent les décisions prises dans le cadre des défis». Rappelons que la Cgea est membre de l'Organisation internationale des employeurs (OIE), de l'Union méditerranéenne des confédérations d'employeurs (Umce) et de la Confédération panafricaine des employeurs (CPE).