La soirée du 27ème jour de Ramadhan ou la nuit du Destin a été, comme chaque année, célébrée à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, 100% chaâbie. Une occasion pour le grand interprète du genre chaâbi, Mehdi Tamache, mais aussi Abdelkader Chercham et Rachid Hamouche, d'abreuver un public nostalgique des années de El hadj M'hamed El Anka. Il faut déplorer toutefois le fait que trois artistes aussi talentueux que ceux sus-cités soient programmés durant la même soirée, laissant le spectateur sur sa faim. Car à peine commence-t-on à se délecter de la prestation de l'un d'eux que ce dernier doit céder la place au suivant, par manque de temps, ce qui a contraint par exemple Abdelkader Chercham, artiste et enseignant de musique, très populaire, surtout à Tizi Ouzou, à écourter les deux chansons phares du chaâbi, les chefs-d'oeuvre «El Harraz» et «Yaoum El Djemâa». Les mélomanes présents dans la salle auraient souhaité écouter jusqu'à la fin les versions de Abdelkader Chercham de ces deux titres qui ont fait les beaux jours de la chanson chaâbie algérienne. A part cette lacune dans l'organisation, qui doit sans doute avoir des raisons, il faut reconnaître que les amoureux de la chanson chaâbie ont été bien servis en cette énième nuit du Ramadhan. Dans la salle, on a remarqué la présence d'un public très nombreux issu des anciennes générations. Par exemple, il y a eu même des femmes âgées de plus de 70 ans, venues toutes seules, assister au spectacle. Surprenant, quand on sait qu'à Tizi Ouzou, c'est plutôt la chanson d'expression kabyle qui a pignon sur rue. Mais les apparences sont parfois trompeuses car même le chaâbi a ses fans ici, à l'exemple de ces deux jeunes filles de moins de 25 sans doute. Ces dernières sont restées hypnotisées tout au long de la prestation magistrale de Mehdi Tamache. Ces deux admiratrices du chant chaâbi avaient les yeux rivés sur l'artiste pour admirer un art qui n'a pris aucune ride malgré l'avènement de nombreux autres styles musicaux en Algérie plus à même de séduire les jeunes. On a également remarqué la présence de nombreux chanteurs en herbe dans la salle qui savent à quel point le chaâbi est une école pour celui qui veut apprendre. Le premier à monter sur scène en cette soirée empreinte de calme et de tranquillité, a été Rachid Hamouche, connu pour être un excellent interprète des chansons du regretté Sami El Djazaïri. Il a d'ailleurs entamé son récital avec la mythique «Aheddat n lfeta» en kabyle puis «El Rahla» en arabe. La salle a longuement applaudi Rachid Hamouche qui a également servi quelques chansons du patrimoine ou de maîtres oubliés de la chanson kabyle, comme la célèbre «Rouh, rouh» du regretté Arezki Oultache. Après quoi, Abdelkader Chercham monté sur scène à son tour pour abreuver le public d'une variété de chansons chaâbies aussi bien en langue arabe qu'en kabyle. Abdelkader Chercham a même interprété une chanson en kabyle, inédite, pour la première fois, à l'occasion de cette soirée du Ramadhan. Cette chanson émouvante, a-t-il expliqué, a été écrite par un ami à lui et c'est lui-même qui a composé sa musique. Il est minuit passé quand Mehdi Tamache, tant attendu, est monté sur scène. D'une modestie digne d'un grand artiste du chaâbi et d'une ressemblance physique frappante avec l'inoubliable Amar Ezzahi, Mehdi Tamache, passe directement à l'acte...de chanter. Il entame son récital par un «insiraf», avant d'entamer avec la chanson la plus connue de el hadj M'hamed El Anka: «Lehmam». Mehdi Tamache a réussi la prouesse d'interpréter cette chanson avec une similitude remarquable telle que le faisait El Anka et en même temps, y injectait sa propre touche à chaque nouveau couplet jusqu'à remplacer, dans le texte, le nom de «Nador» par celui «d'El Anka» pour dire à quel point il a été influencé par le Cardinal durant toute sa carrière. Etant dans une région kabylophone, Mehdi Tamache a pris en considération les spécificités linguistiques locales. C'est pourquoi il a interprété de nombreuses chansons en kabyle, mais toujours dans le registre du chaâbi. Mehdi Tamache a commencé avec la chanson d'El Hasnaoui «Achikh Amokrane», puis celle de El Anka «Arwah, arwah» avant de finir par celle de Zerrouki Allaoua, «Attir el qafs». Après cette promenade artistique, Mehdi Tamache est revenu au style chaâbi pour terminer une soirée qui aurait dû être plus longue qu'elle ne l'a été. Rappelons que les soirées du Ramadhan à la Maison de la culture de Tizi Ouzou se poursuivront encore et des artistes connus seront encore à l'affiche, à l'image de Hacène Ahrès, Ali Ideflawen, Ali Ferhati...