Il faut que ce secteur mette fin au dysfonctionnement pour faire valoir ses idées. Le président de l'Association générale des entrepreneurs algériens (Agea), Mouloud Khelloufi, se prononce, au même titre que d'autres organisations patronales, pour une «adhésion pleine et entière» à l'accord d'association signé entre l'Algérie et l'Union européenne (UE). Dans un entretien accordé au quotidien national L'Expression, il saisit l'occasion qui lui est offerte pour appeler «le patronat algérien à l'union et à la réconciliation avec lui-même en vue de mettre fin à toute action individualiste, définir une stratégie commune et adopter un même langage de communication face à une mondialisation qui frappe déjà à nos portes». En cette période cruciale d'ouverture du marché, «il faut, a dit le plus jeune (39 ans) des responsables d'organisations patronales, que ce secteur mette fin au dysfonctionnement» qui l'entache pour faire valoir ses idées au sein du conseil consultatif des PME/PMI installé en 2004 par le chef du gouvernement et que préside Saci Zaïm. Lors de cet entretien relatif, pour l'essentiel, à l'accord d'association avec l'UE, Khelloufi estime que ce dernier constitue l'empreinte d'un pas décisif et positif vers une économie de marché réelle, vers le marché européen en particulier et mondial en général (Afrique, Moyen-Orient, Asie et Amérique latine). La paix, un booster De prime abord, le patron de l'Agea se félicite, «tout de go» de façon enthousiaste, de la tenue du référendum sur la réconciliation nationale dont le résultat certain, qu'est la «paix», dira-t-il convaincu, viendra «booster» l'économie nationale et effacer une «décennie noire», et politique et économique, qui a assombri l'image internationale de l'Algérie, notamment sur le plan des relations économiques. Invité à donner quelques avis sur la teneur de l'accord d'association, Khelloufi estime qu'il entraînera naturellement une mise à niveau «impérative et sérieuse», accompagnée par une compétitivité automatique, qui va désormais s'imposer dans le marché. Ces deux repères vont permettre de prouver les compétences et les valeurs vérifiées des chefs d'entreprises algériens. Ceux-ci vont redoubler d'efforts et d'ingéniosité pour accéder de plain-pied à ce marché régional qui regroupe les consommateurs de pas moins de 25 pays, lesquels sont, il ne faut pas l'oublier, à l'affût surtout, de nouveaux marchés de consommation. Ces deux paramètres d'importance devront, en outre, favoriser grâce à l'amélioration indispensable et attendue du label «made in Algeria», une ouverture vers le marché africain jusque-là dominé par les produits européens cédés à un moindre prix et vers le marché arabe, convoité âprement par les économies européennes en quête de nouveaux débouchés. Conjugué à la future entrée de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), cet accord, relève le président de l'association, constitue une porte grande ouverte à l'ère d'une véritable économie de marché multilatérale. Cette nouvelle situation offrira à l'entreprise algérienne, sans aucun doute a-t-il insisté, une «fenêtre» pour faire valoir ses véritables atouts et potentialités pour «survivre» dans un monde économique dur et difficile, dans lequel les entrepreneurs algériens devront s'imposer par la qualité et les prix. L'accord d'association a été «bien négocié», s'est par ailleurs félicité le président de l'Agea qui a cependant regretté «l'absence (programmée?) du Btph (bâtiment, travaux publics et hydraulique), secteur pourtant porteur et pour de richesses et d'emplois. Il n'a été inclus ni dans cet accord ni dans celui du Meda, a-t-il déploré, bien qu'il ait été inséré dans les secteurs PME/PMI (sociétés et industries)». Parlant justement du programme Meda, Khelloufi a rappelé la signature d'un accord avec ce dernier concernant la mise à niveau des entreprises adhérentes à son association pour que chacune d'entre elles, et à sa demande, puisse acquérir de nouvelles techniques de vision économique et de gestion. Des experts européens de haut niveau ont pris en main cette «formation» dans les filières froid, industrie, gestion... Plusieurs entreprises membres de l'association, ont suivi cette formation organisée par l'Agea, en Algérie ou en Europe, et n'ont payé que 20%, le reste (80%) représentant la réduction concédée des coûts de formation. Celle-ci a concerné, en 2004 et 2005, quelque 20 entreprises adhérentes, venues des secteurs de l'industrie et des services. Cette formation, qui répond aux impératifs de la compétitivité et de la mise à niveau, va permettre aux entreprises algériennes d'acquérir, ceci est indispensable, a souligné Khelloufi, des technologies nouvelles en équipement et en technicité. Dans le cadre de ce programme, les experts formateurs viennent en Algérie et s'installent au sein même de l'entreprise pour dispenser une formation dans la gestion, l'équipement, la technicité et d'autres vecteurs divers. Khelloufi a indiqué que l'Agea a quand même réussi «quelque part» à apporter un «plus», tout en admettant modestement qu'il reste «beaucoup à faire». Il regrette cependant l'absence de l'aide des pouvoirs publics tout en plaidant pour un «allègement» du code des marchés publics, qui date de 2001, et qui nécessite, selon lui, «une remise en valeur en concertation avec les chefs d'entreprises eux-mêmes, car étant les premiers concernés». Perspicace et réaliste, le président de l'Agea n'écarte pas le spectre du chômage qui va atteindre un taux élevé durant les deux, peut-être les trois premières années suivant l'application de l'accord avant que l'on assiste à la cueillette des premiers fruits de cet accord. Beaucoup d'entreprises vont en effet «baisser rideau», car n'ayant pas pu atteindre un niveau compétitif suffisant pour cause d'un niveau en deçà des normes, point du vue qualité/prix, dans la compétition «féroce» qui les attend. Le redémarrage des entreprises algériennes, après l'entrée en force des vecteurs de compétitivité au cours des deux premières années au moins, même si l'on est optimiste, devra faire face aux arrivées massives de containers bourrés de produits moins coûteux et plus attractifs du point de vue «qualité- prix» et qui n'auront à affronter aucune concurrence sérieuse, tout au moins au début, et surtout si un effort d'adaptation n'est pas fait dans les mois, voire les semaines qui suivent. C'est là le «tribut» que l'opérateur économique algérien aura à payer avant de reconquérir «son» marché et redorer son blason terni, «presque à jamais», sommes-nous tentés de dire, par une longue période d'économie étatique planifiée, n'étaient heureusement, la pugnacité et l'esprit volontaire et audacieux de l'opérateur économique algérien qui n'a pas encore eu l'opportunité de dévoiler toutes ses cartes. Des atouts non négligeables Pour étayer ses dires optimistes et comme pour préparer l'analyse de l'opinion du simple citoyen, le président de l'Agea citera en exemple le cas du Portugal au lendemain de son entrée dans l'Union européenne. Il expliquera que le taux de chômage dans ce pays avait atteint 35% de la population active avant que son économie ne se stabilise. L'Europe, malgré son niveau technologique avancé et ses nombreux points de production destinée essentiellement à l'exportation, a connu, et connaît encore, les affres du chômage, dit-il quelque peu rassurant. C'est ainsi que nombre d'entreprises ont cherché à délocaliser leurs activités vers notamment les pays de l'Est de l'Europe. C'est une variante à offrir aux Européens désireux de s'installer chez nous où ils trouveront «un environnement foncier attrayant, une fiscalité non contraignante, une main-d'oeuvre bon marché, souvent même spécialisée, et surtout un vaste marché d'écoulement vierge, le tout doublé d'une énergie bon marché et disponible sur place». Ce sont là bien sûr des atouts non négligeables pour les économies européennes «à fleur de peau» guettées, il faut le dire, par une récession rampante qui risque de dégénérer en crise aiguë à tout moment. Le recensement de ces données ne suffit point et ne pourra pas donner un regain à notre économie qui a besoin surtout, pour mieux attirer les investisseurs potentiels, d'aller vers l'établissement de joint-ventures intéressants de partenariat, de procéder à une réforme urgente d'un système financier désuet assorti d'un réseau bancaire inopérant et «très» lent, et auquel vient se greffer la tentacule bureaucratique dont l'Etat, malgré une volonté affichée, n'arrive pas à se débarrasser. La réforme financière doit assurer sa mue avant novembre ou décembre prochains, estime-t-il avant de penser qu'elle doit être certainement à l'étude. Mais il est conscient que le processus doit prendre «le temps qu'il faut, même si le temps presse». Les problèmes, par exemple, du système de paiement et d'encaissement ne vont être mis en place qu'en 2006, soit avec un retard de dix ans sur la France par exemple, qui l'a instauré en 1995/1996. Confiant, il dira quand même que «c'est un retard que les Algériens sauront rattraper rapidement car la volonté politique existe». Pour le transfert de fonds rapides, il existe bien la banque étrangère Western Union qui l'opère en Algérie, mais aucun établissement financier algérien ne le fait. Alors? s'interroge sans ambages Khelloufi dans son analyse. Redoublant de confiance en l'Algérie et en l'audace et la compétence de ses opérateurs économiques, Mouloud Khelloufi, qui se félicite encore une fois de l'accord d'association conclu avec l'UE, invite tous les opérateurs économiques du pays à aller vers ce programme pendant qu'il est encore temps et exhorte les entreprises à adhérer aux organisations patronales existantes, ou en créer encore d'autres, pour former un front de lutte et de sauvegarde commun et fort. Le président de l'Agea, qui déplore le manque de communication qui caractérise l'information en direction des jeunes promoteurs, invite ces derniers à investir dans les secteurs de la PME et de la PMI. Nous sommes, a-t-il souligné, «prêts à les encadrer, les soutenir et les parrainer jusqu'à la réalisation de leurs projets». II estime que l'ouverture vers les économies mondiales va stimuler encore plus l'esprit performant des compétitivités recélées chez l'opérateur économique algérien. L'Agea, implantée dans 22 wilayas du pays, a été créée le 18 juin 2003 et compte pour l'heure 482 adhérents.