Les femmes sont violentées, insultées et malmenées «Si on doit y remédier il faut s'attaquer à la genèse des violences faites aux femmes qui est le Code de la famille...» Les réactions aux déclarations faites, avant-hier, par le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh, se succèdent. La société civile se félicite. Elle a confiance en sa «justice». Après la campagne «d'appel à la violence contre les femmes» sur les réseaux sociaux, le ministre de la Justice a confirmé l'auto- saisine des parquets dans plusieurs wilayas du pays. Plus que déterminé, le responsable, a mis en garde contre ces agissements en rappelant avec insistance qu'il n'était pas question de revenir aux années 90. «Aucune pitié ne sera manifestée à l'égard de ceux qui veulent faire revenir l'Algérie à la décennie noire (90) et la destruction du pays», a-t-il fait savoir. Cette nouvelle a eu l'effet d'une bombe, venant du premier responsable de la justice. «Pour ce qui est de l'utilisation des réseaux sociaux pour diffuser la violence contre la femme, le ministère public a mis en mouvement une action publique dans plusieurs wilayas et l'auteur de ces crimes a été identifié et placé en détention», avait indiqué, le ministre de la Justice, en affirmant que l'instruction se poursuit pour déterminer l'identité des autres instigateurs, mettant en garde «les jeunes contre ce genre de comportement». Le ministre a assuré dans ce même contexte, que, toute action punie par le Code pénal entraîne une mise en mouvement systématique de l'action publique qui protège les intérêts du peuple. Pour lui, l'Algérie dispose d'une instance compétente et des techniques pour l'identification du coupable. «Très bonne réaction et très attendue de la part d'un ministre de la République, il faut arriver à la pénalisation du discours sexiste. Notamment dans certains médias lourds», a indiqué, hier à l'Expression, Aouicha Bekhti, féministe et activiste politique. Pour elle, il est intolérable de se taire face à ce genre de dépassement. «La situation est catastrophique, c'est le résultats de la banalisation du discours sexiste», ajoute-t-elle en poursuivant qu'il était temps que la République réagisse à travers un ministre et l'auto -saisine de la justice. Aujourd'hui, les maux de notre société plongent les femmes dans le désarroi. Une profonde crise morale s'est incarnée ces dernières années en Algérie. L'Algérien est de plus en plus violent. Le constat est effrayant, notamment au vu des chiffres des violences faites aux femmes, lesquels coupent le souffle. Contacté, hier, par nos soins, Fadila Chitour, professeur en médecine, présidente et l'une des fondatrices du Réseau Wassila pour la défense des femmes et des enfants victimes de violences tire la sonnette d'alarme. «En fin 2013, il semblait plus qu'évident que le gouvernement était déterminé dans sa décision d'éradiquer les violences faites aux femmes par des réformes juridiques. Aujourd'hui, il s'est avéré que c'était juste un écrit», regrette Mme Chitour en se demandant que s'est-il passé pour que la promulgation de la loi contre les violences faites aux femmes ne soit pas appliquée? «Ce genre d'appels sur les réseaux sociaux ou ailleurs, prouvent à quel point, les criminels sont déterminés dans leur démarche. La situation est plus que dramatique», regrette le professeur en précisant que ces appels à la violence ce sont des appels au meurtre puisqu'il s'agit de sexe féminin. «Pourquoi, nous avons éprouvé le besoin d'abroger la loi en 2014? C'est parce que les violences faites aux femmes prennent des proportions alarmantes. C'est une victoire législative importante pour l'Algérie», dit-t-elle, en se demandant pourquoi ne pas faire référence, dans ce contexte précis, à ces lois qui protégent les femmes? «Nous interpellons de toute urgence les institutions et le gouvernement à prendre en mesure la gravité de la situation et mettre des dispositifs pour mettre un terme à ce terrorisme», souligne-t-elle, précisant que ce fléau prend de l'ampleur. Pour elle, le plus dramatique dans cette affaire est la complicité d'un corps constitué en refusant d'enregistrer une plainte. L'intolérance et les répétitions de violences contre les femmes sont de graves atteintes à la liberté. Pour sa part, Yasmina Chouaki, membre de la coordination algérienne (Cncd société civile) et militante de l'association Tharwa N'Fadhma N'Soumeur, la violence est plus que banalisée. Les cauchemars ne font que s'accumuler pour la gent féminine qui se réveille au quotidien sous le signe de la brutalité. «Pour le ministre de la Justice c'est une bonne action, qui prouve une bonne volonté. Quant à la loi contre les violences faites aux femmes avec toutes les insuffisances il n'y a aucun texte d'application sinon comment expliquer le non-enregistrement de la plainte de Ryma (la joggeuse)», indiquant en outre que «si on doit y remédier il faut s'attaquer à la genèse des violences faites aux femmes qui est le Code de la famille. Il faut l'abroger». Enfin, face à une loi qui ne protége pas et une société qui ne dénonce pas, les femmes sont violentées, insultées et malmenées par des inconnus dans la rue comme par des proches au domicile. Hélas!