Après l'embellie dans les relations bilatérales, la tension entre Alger et Paris s'est de nouveau exacerbée. «Nous chanterons à l'unisson l'hymne de la coopération avec la France pour peu que celle-ci reconnaisse ses responsabilités dans les dégâts de la colonisation». C'est à partir des capitales des Aurès et de la Kabylie, deux bastions inexpugnables de la révolution et lieux hautement symboliques, que le chef de l'Etat a appelé la France à «reconnaître ses crimes commis à l'encontre du peuple algérien durant la période coloniale». Tout en réitérant la volonté de l'Algérie de signer le traité d'amitié, Bouteflika a estimé que «ceux qui défendent les intérêts de la France sont libres de le faire...». Une nouvelle escalade verbale après une cascade de déclarations faites dans le sillage de la campagne pour la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Dans un discours prononcé le 25 août, à Sétif, Bouteflika a été on ne peut plus ferme: «Les Français n'ont d'autre choix que de reconnaître qu'ils ont torturé, tué, exterminé» durant la colonisation de l'Algérie. Même si trois jours auparavant, la France s'était déclarée «confiante» dans la signature d'un traité d'amitié avec l'Algérie comme prévu, en principe avant la fin de l'année. En plus, le 28 août à Béchar, le président de la République avait souligné que «l'Algérie travaille avec la France pour la signature d'un traité d'amitié entre les deux pays dans le respect mutuel et des intérêts des deux peuples». Il a, cependant, tenu à préciser qu' «il n'y a aucune animosité entre l'Algérie et la France», avant d'ajouter que «notre seul but est d'avoir des relations paisibles et amicales. Nous ne voulons qu'une paix et une quiétude sur un pied d'égalité». Par ailleurs, la polémique entre Alger et Paris s'est accentuée à l'occasion de la commémoration des événements du 8 mai 1945, quand Abdelaziz Bouteflika avait établi un parallèle entre les fours à chaux utilisés par la France coloniale et les fours crématoires nazis. Ce qui n'a pas manqué de soulever un tollé général en Hexagone, au point que le Quai d'Orsay avait appelé au «respect mutuel.» Il convient de rappeler qu'après l'embellie dans les relations bilatérales, générée par la visite d'Etat de Jacques Chirac en Algérie, la tension entre Alger et Paris s'est de nouveau exacerbée depuis l'adoption par le Parlement français de la fameuse loi du 23 février glorifiant le colonialisme. Ce qui a suscité l'ire des autorités et de la classe politique algériennes. Même les deux chambres du Parlement se sont réunies pour adopter une motion dénonçant cette offense à la mémoire des martyrs de la guerre de Libération et de la lutte du peuple algérien pour l'indépendance. Les relations entre les deux pays ont été largement évoquées par les officiels algériens dans les meetings animés en France. Intervenant devant le Club de la presse euro-américaine, M.El Hachemi Djiar, conseiller à la présidence de la République, a déclaré à propos de la loi du 23 février 2005, qu'il ne faut pas «faire de la politique avec l'histoire». L'orateur a notamment rappelé que «le peuple algérien a été profondément choqué par des aspects de cette loi». En somme, toutes ces déclarations interviennent au moment où le peuple algérien est appelé à se rendre aux urnes le 29 septembre pour se prononcer sur la question de la paix et de la réconciliation nationale. Une paix clairement «codifiée» dans la mouture qui sera soumise aux électeurs. Lequel document cite explicitement les bénéficiaires de l'amnistie, à savoir tous ceux qui ne sont pas impliqués dans des massacres collectifs, les viols et le dépôt d'explosifs dans les lieux publics. Cependant, la réconciliation algéro-française s'inscrit dans un tout autre registre : celui de la colonisation et donc de crimes contre l'humanité perpétrés à grande échelle et que les auteurs continuent de revendiquer et même d'en faire l'apologie. En somme, que ce soit dans son volet politique ou économique, l'amitié algéro-française n'a pas encore atteint le degré de maturité tant attendu par les deux capitales. Le refus de la France de reconnaître son passé colonial et de consentir davantage d'investissements directs, est révélateur d'un manque de volonté politique de hisser la coopération bilatérale à son plus haut niveau. D'ailleurs, la France qui était le premier partenaire économique de l'Algérie depuis des années, vient de perdre sa place, au bénéfice du pragmatisme américain.