La wilaya semble se réveiller de son profond sommeil et du chaos causé par l'insécurité et le terrorisme qui a battu son plein durant plus d'une décennie. Avec l'amélioration de la situation sécuritaire, cette wilaya chère à l'émir Abdelkader et appelée dans le passé Titteri, est en pleine renaissance et l'avenir est entièrement devant elle. Lors de notre virée au niveau du chef-lieu de wilaya, nous avons constaté de visu les changements remarquables apportés. Le premier constat qui se dégage d'emblée pour le visiteur qui revient après une longue absence est que les habitants locaux commencent à embrasser à grands pas «l'insouciance» et la vie reprend son cours le plus normalement du monde. Dans ce sens, ses rues sont à longueur de journée et même le soir jusqu'à une heure tardive, animées et fréquentées par les familles qui retrouvent la sécurité et le calme après plusieurs années de braise. D'ailleurs, on se croirait dans les soirées ramadanesques en ce mois de Chaâbane, vu la présence en force des familles et les nombreux cafés qui offrent leur bon thé et café. Et dire qu'il y a quelques années à peine, il était impossible de dépasser les 16 heures même en plein centre-ville de Médéa. Au niveau d'un salon de thé, nous avons rencontré deux jeunes hommes qui nous ont livré quelques renseignements sur la vie quotidienne d'un «M'dani»: «Certes, la situation sécuritaire s'est nettement améliorée et le stress engendré par l'insécurité ne figure plus dans notre vie quotidienne. On sort quand on veut, et où on veut. Et il y a même ceux qui prennent leur véhicule en empruntant la route de Blida et d'Alger à n'importe quelle heure de jour comme de nuit, chose qu'on ne pouvait pas faire dans un passé pas lointain entre deux quartiers mitoyens de Médéa.» Abordant le sujet d'actualité, nos confidents affirment: «Ce que nous attendons de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, c'est surtout le travail et le logement car la situation sécuritaire ne cesse de s'améliorer.» L'un est chômeur et montre une remarquable volonté à être placé quelque part. Il a horreur de l'attente et de la passivité des autorités. Les deux bonhommes déplorent le fait que les hommes d'affaires locaux et investisseurs préfèrent concrétiser leurs projets ailleurs, soit à Blida, soit au niveau de la capitale. Le chaos «Malheureusement, les investissements sont quasi inexistants à Médéa et nos hommes d'affaires favorisent Blida et Alger pour l'investissement, et ce, au détriment de la main-d'oeuvre locale qui cherche un travail désespérément», rétorquent-ils en profitant de l'occasion pour lancer un appel à tous les opérateurs économiques de la région pour qu'ils reviennent à Médéa et y investir car, d'après eux, «le prétexte de la situation sécuritaire n'est plus d'actualité et le foncier ne fait pas défaut vu la grande superficie de la wilaya». Il faut dire qu'avec le terrorisme, les grandes entreprises étatiques situées dans la wilaya de Médéa ont pratiquement toutes sombré dans le chaos jusqu'à leur fermeture totale et leur disparition. Cette situation, ajoutée à l'absence d'investissement, n'a fait qu'augmenter davantage le chômage. Les dispositifs de l'Ansej et de la Cnac n'ont malheureusement pas abouti au but escompté vu la bureaucratie des banques car d'après les chiffres dont nous disposons, les dossiers des chômeurs âgés entre 35 et 50 ans en quête d'un crédit bancaire dans le cadre du dispositif de la Cnac sont innombrables. Toutefois, les dossiers financés par les banques se comptent sur les doigts. Une véritable «honte» émanant d'institutions financières appelées soi-disant «banques publiques». «Tout se fait avec du piston et ceux qui n'ont pas le bras long au sein de ces institutions n'iront pas loin» , dira avec amertume le jeune chômeur. Mis à part la Fonction publique, le vide absolu règne en maître des lieux. Et les fabricants de chaussures et de maroquinerie qui faisaient la notoriété de Médéa en employant des milliers de personnes et en alimentant le marché national ne figurent plus parmi les artisans de la région à cause de la concurrence «déloyale» chinoise et la non-protection du marché local. Aujourd'hui, ces maroquiniers chôment à l'instar d'une grande partie des «Médéens» à l'exception de l'usine antibiotiques de Saidal qui est là, toujours debout, pour venir à la rescousse des salariés et pères de famille dont le salaire est assuré vu que cette usine se porte bien. Les séquelles des années de terrorisme sont toujours vivaces dans les coeurs des habitants de la wilaya de Médéa. Cette dernière, faut-il le rappeler, a été considérée malgré elle et à tort comme fief des terroristes et des sanguinaires qui avaient tout fait pour terroriser la population locale en voulant la réduire à néant en désirant à tout prix effacer le mot vie en le remplaçant par terreur, obéissance et mort. Ce passé pas très lointain, mais ô combien douloureux, a quand même laissé de grandes séquelles chez Ies «M'danis». Certes, ils commencent à embrasser l'insouciance, mais la douleur est toujours là et les souvenirs restent durs et amers. C'est vrai que les terroristes y avaient élu demeure pendant plusieurs années. C'est vrai que Médéa, vue de l'extérieur, était synonyme de tout cela. Mais il y avait un autre message que les habitants de cette wilaya voulaient transmettre. Ils ont combattu dans la solitude, l'incompréhension, l'isolement et le dénuement, ces hordes terroristes qui venaient de loin et qui souvent étaient étrangères à la région. Son relief montagneux, sa situation géographique de carrefour et de trait d'union, sa couverture végétale ont fait d'elle un lieu propice pour servir de refuge et de lieu de rassemblement, d'où partaient les commandos et les attaques. Elle a abrité des grands terroristes dont Zouabri, Zitouni, Attia et Boumahdi du GIA, de Souane du Gspc et de grands chefs de l'AIS comme Mohamed Saïd et Bouhadjar avant que ce dernier ne se rende en 2000 dans le cadre de la concorde civile. Partout ces sanguinaires avaient engendré des boucheries, l'horreur et l'instabilité. Qui ne se rappelle pas les multiples massacres d'El Hamdania, des monts de Tamesguida, de Tablat, de Berrouaghia, des moines de Tibhirine, de Béni Slimane et à Médéa même, en plus des faux barrages meurtriers sur les routes nationales et de wilaya, les incursions nocturnes. Qui ne se rappelle pas des destructions causées aux différents secteurs dont la santé, l'école, les institutions publiques sans épargner les biens privés. Partout la désolation était semée et les campagnes désertées. C'était cependant compter sans le sursaut d'orgueil, de distance, de dignité et d'attachement à la vie et à leur terre de ses habitants. De plus c'est là que les renforts militaires et sécuritaires ont été le plus concentrés et mobilisés, à la mesure de l'ogre terroriste. Médéa a été la première wilaya à subir les affres du terrorisme et la dernière à s'en débarrasser. Quel courage, quelle bravoure et quelle résistance si aujourd'hui elle s'est débarrassée de ce phénomène qui lui était étranger. S'il y a une médaille à attribuer pour ces mérites, c'est à cette wilaya meurtrie qu'on les doit en priorité. Le cliché «Médéa-terrorisme» est à bannir. Il s'agit de lui rendre honneur pour son endurance et sa lutte légendaire contre la bête immonde. Les responsables du bureau du parti du MSP, dont le siège vient d'être installé à Médéa-ville et juste en face de l'hôtel où on a été hébergés, nous ont fait rappeler quelques massacres qu'a connus leur wilaya et qui ont eu lieu dans leur majorité et d'après eux entre 1997 et 2001. Beni Slimane en 1997 où 47 personnes ont trouvé la mort, El Omaria où une quarantaine de morts sont à signaler durant cette même période au niveau de la localité de Ouled Torki, Ouled Aïssa et Nechachda ainsi que la région de Sidi Naâmâne où une cinquantaine d'innocents ont été victimes des sanguinaires en 2000, et ce, sans oublier les carnages dans la région de Berrouaghia et Médéa-ville ainsi que les innombrables faux barrages qui ont caractérisé la wilaya tout au long des années 1990 et qui ont eu aussi leur « très important » lot de victimes. Fort heureusement, tout cela n'est que du passé. Dans cette perspective, Médéa est en train de tourner la page vers un avenir meilleur où Médéa rimera avec pôle économique, commercial, culturel et surtout agricole et où les années de braise seront uniquement inscrites dans l'histoire qui sans doute ne se répètera plus. D'ailleurs, la précarité qui caractérise les habitants de la région ne durera pas longtemps car avec l'ambitieux programme quinquennal du président de la République, la wilaya de Médéa deviendra un véritable carrefour de commerce et de transit surtout avec la construction d'infrastructures vitales pour le développement de la région. Développement d'infrastructures «L'autoroute qui reliera Bouira à Chlef et la nouvelle ligne de chemin de fer qui va être réalisée pour relier la ville de Boumedfaâ, constitueront une véritable aubaine pour le désengorgement de la région et permettre une vraie renaissance des activités dans cette wilaya, classée troisième après Batna et Tizi Ouzou en matière de nombre de communes car, elle compte 64 municipalités», nous fait savoir M.Brahimi, directeur de l'administration locale de la wilaya, qui veut également rassurer la population «médéenne» quant au développement de la région en prévision du lancement prochain des programmes déjà inscrits. «Déjà, les produits agricoles sont disponibles en grandes quantités cette année avec une meilleure qualité et à bon marché, à l'instar de la pomme de terre, du blé, du miel et surtout du raisin, et cela grâce à la générosité du climat et le retour des populations à leurs terres, ainsi que l'aide de l'Etat, sans oublier le savoir-faire du fellah de la région», ajoute-t-il. Dans ce sens, l'agriculture au niveau de cette wilaya a de beaux jours devant elle en retrouvant sa véritable vocation d'une part, et avec la saturation du foncier industriel notamment à Blida et Alger, l'investissement au niveau de cette wilaya est appelé à se développer et devient impératif surtout avec le développement des infrastructures routières et ferroviaires dans à peine quelques années, d'autre part. Elle servira d'arrière-pays riche et prospère. Côté cour, et lors de notre passage, la société civile, notamment, les associations, semblaient s'impliquer pour la réussite du référendum du 29 septembre comme c'est le cas de l'Union de wilaya des handicapés qui a organisé deux journées de sensibilisation au profit de cette catégorie. Dans la rue, on voit partout des banderoles soutenant la charte pour la réconciliation nationale qui est considérée comme l'ultime recours pour le développement du pays. La ville de Médéa, qui est relativement propre et dont les responsables nous ont très bien pris en charge montrant une grande générosité et disponibilité pour leurs «invités», a besoin cependant d'un embellissement et d'un «relookage» de ses immeubles, bâtisses et établissements qui semblent être délaissés et victimes du temps qui passe. Quant au côté jardin, c'est quand même le changement vers le positif malgré tout. Avec l'amélioration de la situation sécuritaire, la wilaya de Médéa peut également se lancer dans le tourisme religieux, un créneau porteur et en vogue actuellement dans le monde, et ce, grâce au monastère de Tibhirine qui appartient à l'ordre des trappistes. D'ailleurs, nombreux sont les chrétiens du monde et adhérents à cet ordre qui veulent effectuer des pèlerinages au niveau de ce site religieux et touristique par excellence. D'après un responsable d'une grande agence de voyages qui a des bureaux à l'étranger, «beaucoup de chrétiens appartenant à cet ordre nous ont montré leur intérêt quant au pèlerinage dans ce lieu, ce qui nous a encouragés à nous lancer dans ce créneau», dira-t-il en voulant ne pas répéter la mauvaise expérience des agences locales qui n'ont pas su profiter du tourisme religieux à l'instar du site de Saint-Augustin qui était pris en charge par des agences de voyages tunisiennes. Avec ce genre de tourisme, Tibhirine «la verte» se développera davantage et sortira de son isolement et ne sera plus uniquement synonyme de massacre des sept moines. Cette localité est en train de récupérer sa place exactement à l'opposé de ce que les assassins avaient voulu faire, c'est-à-dire un lieu de tolérance et de brassage de religions. Lors de notre visite dans cette localité située sur les hauteurs de Médéa, on a constaté sur le chemin plusieurs familles se donnant à fond dans l'agriculture et la production de miel. Dans ce sens, nous avons constaté de visu la construction d'une mosquée juste à peine quelques mètres du monastère. Au moment de notre passage, les moines étaient en congé. Sur place nous avons eu une discussion avec le chef de la garde communale, installée juste en face du monastère et qui nous assure que tout va pour le mieux. La vie reprend de plus belle dans la région appelée à connaître un développement rapide de ce lieu «surplombant» Médéa. II vient de bénéficier de l'aménagement d'une route moderne assez large. Les travaux sont menés tambour battant et vont changer l'aspect de la région, notamment pour l'accueil des touristes. Cette localité semble enfin être prise en charge par les autorités locales. Tibhirine deviendra ainsi un véritable paradis sur terre car elle a tout ce qu'il faut comme «commodités» naturelles pour son boom et sa croissance surtout dans le domaine agricole et touristique. Pourquoi pas des produits «bio» et du miel sous le label «Tibhirine» comme cela se fait ailleurs dans le but de promouvoir des régions. C'est juste une question de volonté et d'être véritablement conscient de ce que recèle cette localité comme trésors et ce qu'elle peut offrir juste lorsqu'on le lui «chuchote», et ce, avec l'aide et la contribution de l'Etat évidemment. On peut donc facilement rêver de la pénétration des bons produits de Tibhirine dans le marché européen et dans les plus grands supermarchés du monde ; pourquoi pas ! C'est un rêve réalisable et c'est juste une question de «déclic».