L'homme fort de la Cyrénaïque, qui a fait main basse sur le «croissant pétrolier» libyen, et les Etats-Unis, qui ont menacé les pays qui importeraient du pétrole iranien, poussent les prix vers de nouveaux sommets. Le nerf de la guerre c'est l'argent. Le conflit libyen ne déroge pas à cette règle. Au centre de la crise qui secoue l'ex-Jamahiriya, le pétrole, principale source de revenus du pays, est convoité par ses différents acteurs. En plus de l'exacerber, elle tend à la balkanisation en marche de la Libye et à compromettre sérieusement une solution qui permettrait à ce pays voisin de retrouver sa stabilité. Pour que le puzzle puisse être reconstitué complètement, la participation de tous les acteurs du conflit est incontournable pour sortir la Libye de la confrontation armée et se diriger vers la paix. Cette bataille du pétrole renseigne sur la complexité de cette option. On en est même loin. La mainmise de l'autoproclamée armée nationale sur le croissant pétrolier libyen a amplifié la fracture qui oppose le gouvernement d'unité nationale, reconnu par la communauté internationale basé à Tripoli, au maréchal Haftar maître de l'Est libyen. Après près d'une semaine d'opérations pour reprendre le contrôle, définitif des terminaux de Ras Lanouf et de Al Sedra, stratégiques dans l'acheminement du pétrole à l'étranger, l'homme fort de la Cyrénaïque a décidé de confier pour la première fois la gestion de ces sites pétroliers aux autorités parallèles cantonnées dans l'est du pays. En plus de ces considérations purement politiques, ce nouveau développement de la crise libyenne a pour conséquence d'influer sur les cours du marché. Les prix du pétrole ont donc entamé leur ascension, soutenus par l'incertitude entourant les exportations libyennes que se disputent le gouvernement d'union nationale et le maréchal Haftar. Les observateurs ont également fait état d'une sérieuse perturbation de la production au Canada. La production de la mine de sables bitumineux Syncrude (un important gisement, Ndlr) a été interrompue il y a quelques jours, du fait d'une panne électrique. Sa remise en service n'interviendrait que vers la fin du mois de juillet, a indiqué un spécialiste parisien. Il n'en fallait pas plus pour que l'or noir se mette dans le vert. Le marché n'était cependant pas au bout de ses surprises. Les Etats-Unis allaient en effet donner un coup d'accélérateur décisif au baril qui a fini la séance de mardi sur un gain de 1,58 dollar à Londres et de 2,45 dollars à New York passant au-dessus de la barre des 70 dollars. Les cours se sont su bitement mis à monter lorsqu'un responsable du département d'Etat a exhorté tous les pays s'approvisionnant en pétrole iranien d'arrêter leurs importations d'ici le 4 novembre. A défaut, ils s'exposeraient aux sanctions américaines rétablies après la remise en cause de l'accord sur le nucléaire iranien par le président américain. Une menace qui était déjà dans l'air. Le successeur de Barack Obama ne tardera pas à la mettre en oeuvre. «Il était déjà établi que les pays européens allaient devoir fortement réduire leurs achats, même si certains espéraient encore pouvoir contourner les sanctions», a indiqué Matt Smith, du cabinet ClipperData. D'autres pays, gros consommateurs d'or noir seraient dans le viseur de Donald Trump. «Les Etats-Unis semblent faire monter la pression en s'adressant aussi aux pays asiatiques, comme la Chine et l'Inde, qui ont obtenu des exemptions par le passé», a-t-il ajouté. L'homme fort de la Cyrénaïque, qui a fait main basse sur le «croissant pétrolier» libyen, et les Etats-Unis qui ont menacé les pays qui importeraient du pétrole iranien, poussent irrésistiblement les prix vers de nouveaux sommets. Les cours de l'or noir semblent en tout cas avoir retrouvé leur vitesse de croisière. Hier vers 15h00 à Alger, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en août s'échangeait à 77, 20 dollars sur l'Intercontinental Exchange de Londres, enregistrant un gain de 1,06 dollar par rapport à la clôture de mardi. Dans les échanges électroniques sur le New York Mercantile Exchange, le baril de «light sweet crude» pour la même échéance se négociait à 71,70 dollars, affichant une hausse de 1,17 dollar, qui lui fait atteindre son plus haut niveau depuis plus d'un mois. L'augmentation de la production de l'alliance Opep-non Opep d'1 million de barils par jour, qui devait stopper la hausse des prix aura fait long feu. Le baril n'est pas loin de flamber à nouveau. Donald Trump a gratté l'étincelle...