Avec la condamnation d'un des plus importants cadres d'Al Qaîda en Espagne, l'Europe s'occupe enfin de ses terroristes. Sept personnes du Gspc ont été interpellées hier matin dans la région parisienne et en Normandie (ouest). Ce coup de filet intervient après une vaste opération antiterroriste, lancée à l'issue d'une enquête qui a débuté en février 2003. Un homme, qui venait de sortir de prison après avoir purgé une peine dans une affaire de terrorisme, a été étroitement pisté par les éléments de la DST. Les enquêteurs ont remonté la filière jusqu'à l'arrestation de tous les membres du réseau. «Soupçonné d´avoir eu la volonté de commettre des attentats en France», l'appartenance du groupe au Gspc ne fait aucun doute, selon les sources proches de l'enquête. «Il y avait un mouvement de conspiration, une activité logistique, mais pas de projet identifié» d´attentat, a-t-on précisé. Mais l'aspect le plus important de ce coup de filet est le lien formellement établi entre le chef de la cellule démantelée et Rachid Ramda, terroriste algérien, détenu à Londres et soupçonné d´être le financier d´une vague d´attentats commis en 1995 en France. Cet été, ce pays a expulsé trois Algériens pour leur prosélytisme salafiste et leurs appels à la violence. Tous étaient proches du Gspc. Une semaine avant cette opération antiterroriste, la DST a procédé à une série d´interpellations en Seine-Saint-Denis, dans le nord de la région parisienne. Six hommes suspectés de vouloir organiser une filière d´envoi de djihadistes à destination de l´Irak avaient été placés en garde à vue. Tous avaient cependant été remis en liberté à l´issue des quatre jours d'interrogatoire. Ces interpellations entraient dans le cadre d'une enquête sur les filières irakiennes. C'est dire que les terroristes algériens écument réellement l'Hexagone et donnent l'impression d'être particulièrement actifs. Une situation qui a amené l'Etat français à durcir la législation antiterroriste. A ce propos, le ministre de l'Intérieur français, Nicolas Sarkozy, a mis la touche finale à son projet antiterroriste qui préconise notamment un développement de la vidéosurveillance dans les lieux publics, mais aussi aux abords immédiats de lieux privés comme les lieux de culte et certains commerces. Tombé à point nommé, le projet de Sarkozy, qui a toutes les chances d'être adopté, prévoit le contrôle des déplacements vers des pays «à risque». Il est également préconisé une surveillance renforcée des appels téléphoniques via Internet. «En raison de l´anonymat qu´ils garantissent, les cybercafés feront l´objet d´une attention particulière», a-t-on expliqué de mêmes sources. Le texte de Sarkozy durcit considérablement les peines de prison maximales qui seraient alourdies, elles seront de 30 ans au lieu de 20 pour les dirigeants de groupes terroristes et 20 ans au lieu de 10 pour les membres du réseau. Tout condamné français d´origine étrangère pourrait se voir déchu de sa nationalité pendant un délai de quinze ans après sa naturalisation. Dans la batterie de mesures proposées par le ministre français, il est prévu une facilitation d'accès aux enquêteurs antiterroristes à divers fichiers (immatriculation, passeports, titres de séjour, etc.) et à des informations détenues par les compagnies de transport aérien, ferroviaire ou maritime. Selon des experts, les mesures antiterroristes prévues par M.Sarkozy pourront faciliter et accélérer les enquêtes après un attentat, mais ne dissuaderont pas des «djihadistes» motivés de passer à l´action. «Si vous prenez l´exemple de ce qui s´est passé cet été à Londres, le système de caméras de surveillance le plus perfectionné au monde n´a rien pu faire pour empêcher les attentats», rappelle le criminologue Xavier Raufer. Pour Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, ces nouvelles mesures «visent à améliorer le travail des policiers, à resserrer les mailles du filet». «Mais cela ne veut pas dire que les plus déterminés ne pourront pas toujours passer au travers». Par ailleurs, onze personnes ont été arrêtées hier à Milan et dans sa région. Elles sont suspectées d'appartenance à une cellule terroriste du Gspc. Ces interpellations ont été effectuées après une série de perquisitions dans la région milanaise. Tous d'origine algérienne, ces personnes constituaient un réseau de soutien financier et matériel aux groupes armés activant en Algérie et en Europe. Les enquêteurs italiens ont, en effet, mis la main sur d'importantes sommes d'argent amassées en Italie et destinées à financer l'achat d'explosifs, notamment ceux qui ont servi dans l'attentat manqué qui avait visé la Cour suprême espagnole en 2004. Cette information intervient le jour même de la condamnation en Espagne du Syrien Imad Eddin Barakat Yarkas, «Abou Dahdah», à 27 ans de prison pour «appartenance» à la nébuleuse terroriste et «conspiration» en vue de commettre les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Considéré comme l'un des ca-dres les plus influents d'Al Qaîda en Europe, Abou Dahdah avait des relations régulières et soutenues avec le Gspc.