Le sens de la responsabilité des uns a fini par avoir raison de la détermination des autres. Afin de protester contre la position tranchée du président de la République quant à l'officialisation de tamazight, affirmée lors du meeting électoral à Constantine, les archs de Kabylie appellent à une grève générale demain jeudi, jour du scrutin portant référendum sur la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Il aura fallu, en effet toute une nuit de débats à la limite de l'incorrection, pour que des délégués représentant les régions de Bouira, Bordj Bou-Arréridj, Sétif, Alger, Batna, Tizi Ouzou et Béjaïa arrivent à un consensus autour de la réponse à apporter aux affirmations du président de la République quant au statut officiel de la langue amazighe. Le sens de la responsabilité des uns a fini, pour ainsi dire, à avoir raison de la détermination des autres quant à une orientation radicale qui remettrait le mouvement citoyen sur le chemin de la violence. En optant pour une grève générale le jour du scrutin, les archs de Kabylie ont voulu exprimer leur mécontentement à la limite de la colère par une voie pacifique qui dénote on ne peut mieux, le sens de la responsabilité acquis mais aussi la sauvegarde du minimum de chances pour la poursuite du dialogue. Les archs n'ont d'ailleurs pas pu adopter une position commune à donner à la suite des pourparlers avec les autorités de l'Etat, entendre par là la poursuite ou la rupture du dialogue. Cette question fera l'objet d'un conclave ordinaire de l'interwilayas des archs la semaine prochaine. Les plus conscients des délégués ont dû batailler dur pendant des heures pour donner toutes les chances à la sérénité qui cache mal le souci de ne pas perdre les acquis arrachés jusque-là à travers l'option du dialogue. Les indemnisations des victimes du Printemps noir et leur statut, le plan de relance économique, la traduction des auteurs des assassinats devant les tribunaux civils autant d'acquis qui s'ajoutent à d'autres qu'il ne faudrait surtout pas abandonner. C'est du moins le souci partagé par la majorité des délégués, qui, conscients d'une possible évolution positive de la situation par rapport au statut de la langue amazighe dans le futur, ont opté pour la prudence, une prudence qui témoigne de la maturité politique des délégués habitués jusque-là à des positions hâtives dont les conséquences ne peuvent être que préjudiciables à la région. En optant pour un mot d'ordre de grève le jour du scrutin, l'interwilayas des archs veut d'abord montrer son mécontentement par rapport aux affirmations du premier magistrat du pays, sauvegarder la quiétude retrouvée depuis quelques mois par la Kabylie. Désormais, il ne s'agit plus de rejet traditionnel avec toutes ses conséquences fâcheuses, mais d'une position que tout un chacun peut interpréter à sa façon. Demain, jeudi, les citoyens ne seront pas empêchés d'aller accomplir leur acte de vote citoyen et c'est toute l'évolution de la situation politique en Kabylie qui se confirme. Quant à la position par rapport au référendum, les archs qui n'avaient pas voulu s'impliquer déjà auparavant, gardent espoir quant à un avenir positif permettant à tamazight déjà présente à l'école et dans les médias de trouver la place qui lui revient. «Le combat pacifique continue», pour paraphraser un délégué au sortir hier, de la réunion marathonienne des archs à la permanence de la Cicb de Béjaïa.