Le chef islamiste affirme par ailleurs avoir servi d'intermédiaire dans le retour au pays de quelques dirigeants de l'ex-FIS. Le «pieux» Djaballah «bénit» Ouyahia l'«éradicateur». Jamais une chance comme celle-ci ne s'était auparavant offerte au leader du parti islamiste El Islah pour régler ses comptes avec le «héraut de l'aile éradicatrice» qu'est chef du gouvernement et non moins secrétaire général du RND (Rassemblement national démocratique). Tout sourire, sur un ton ostensiblement ironique, Abdallah Djaballah souhaite que le soutien de Ouyahia à la charte pour la paix et de la réconciliation nationale soit un signe de repentance. Mais il ne s'empêche de l'écorcher: «Il porte haut le projet avec néanmoins une touche éradicatrice», raille-t-il. Fidèle à lui-même et surtout à ses positions politiques, le chef islamiste s'est livré hier, dans une conférence de presse à Alger, à une lecture très critique de la charte, le projet qu'il soutient pourtant et en faveur duquel il a animé quelque 12 meetings à travers le pays. Si, volontiers, il qualifie de pas positif le texte présidentiel, notamment dans son volet sécuritaire, l'ancien candidat à l'élection présidentielle précédente, regrette cependant que l'on ait mis de côté le traitement politique de la crise. Car, selon lui, la charte une fois votée, n'a pas de sens sans la prise en compte d'un certain nombre de questions, dont le lancinant dossier des disparus. Là, le patron du MRN plante ses banderilles: Primo: «Il faut que l'Etat éclaire les familles sur le sort de leurs proches. Que sont-ils devenus? Sont-ils morts? Si oui, où sont-ils enterrés?». Secundo: «Une fois la vérité établie, l'Etat procédera, a-t-il poursuivi, à une réparation matérielle juste et équitable (...) du moment que l'Etat porte lui aussi une part de responsabilité dans ce drame». Egrenant, l'une après l'autre, les conditions formulées par son parti pour la mise en oeuvre de la charte dont, l' «indispensable» prise en charge des personnes suspendues de leur travail, la libération des prisonniers politiques et d'opinion, le retour des exilés, M.Djaballah a marqué une longue halte sur ce dernier point. Il s'est fait plaisir en déclarant avoir servi de médiateur entre les pouvoirs publics et certains dirigeants du partis dissous pour le retour des ces derniers dans leur pays. Mais sans dire plus. Il a refusé de divulguer les noms de ces personnes. Le verbe haut et le geste large, le président d'El Islah, à propos de l'ex-FIS, joue presque sur du velours. Terrain connu, travaillé et balisé. Il appelle, sans ambages, à la libération de tous les responsables de cette formation, à leur réhabilitation dans leur droit à la citoyenneté mais sans qu'il ne souffle mot du retour de ce parti sur la scène politique. A une question sur la grève générale prévue aujourd'hui en Kabylie au lendemain du refus par le chef de l'Etat d'officialiser la langue amazighe, Abdallah Djaballah dit avoir prévu une telle situation. Connu pour son animosité à toute souplesse sur ce sujet, il fait porter l'entière responsabilité à l'Etat qui «a mis sur la touche les vrais représentants de cette région» et de délivrer le constat final: «L'Etat a agi de façon erronée. Toutes les démarches entamées jusqu'ici étaient fausses. La preuve : le résultat est là». A propos d'une éventuelle révision constitutionnelle, le leader islamiste dit soutenir une telle approche mais il pose très vite ses cinq «préalables»: alternance politique, préservation des constantes nationales, garantie des libertés collectives et individuelles, renforcement des appareils de contrôle et équilibre des prérogatives constitutionnelles. Faute de quoi, il opposera un niet catégorique comme ce fut le cas, rappelle-t-il, lors de la révision de 1996. En réconciliateur bon teint, M.Djaballah, pour expliquer son soutien à la charte, invite à remonter dans le passé, en 1995, lorsque son parti — Ennahda à cette époque avait pris part et parti pour le contrat de Sant'Egidio à Rome à cette époque: «L'Etat nous avait traités de traîtres à la nation» se souvient-il. Le contrat de Rome est pour nous la meilleure approche réconciliatrice tant il a mis l'accent sur les portées politiques et sécuritaires de la crise. La charte pour la paix et la réconciliation nationale? «C'est une démarche positive que nous soutenons et que nous souhaitons améliorer», a-t-il émis comme voeu.