Les partis islamistes, affaiblis par les mouvements de dissidence, ne constituent plus une force d'appoint sur l'échiquier politique national. La volonté d'instaurer un Etat islamique était très forte au début des années 90 en Algérie. Mais ce rêve s'est évaporé au fil des années. Rongés par les luttes de leadership et la course aux strapontins, les islamistes ont atteint, aujourd'hui, en Algérie, un stade où ils n'arrivent plus à unifier leurs propres partis. «L'idée d'unifier les rangs des partis islamistes en Algérie est mort-née. Même si la ligne politique est supposée être la même, sur le terrain, les programmes divisent.» Lakhdar Benkhelaf, l'ex-secrétaire national chargé de l'organique à El Islah et proche collaborateur de Abdellah Djaballah, doute des intentions de M.Bouguerra Soltani, président du MSP. Ce dernier, rappelons-le, a appelé, récemment, les formations islamistes à resserrer les rangs et à s'écarter de la division. «Nous avons une seule religion. L'Islam est unificateur!», a-t-il dit, avant d'ajouter: «Il est sage de cesser toute combine entre nous pour aller au-delà de la sécheresse politique.» La démarche du ministre d'Etat a de fortes chances de demeurer au stade du voeu pieux. «L'idée de Soltani ne nous intéresse pas et ce, pour une raison simple: le président du MSP lui-même ne croit pas à un courant islamiste unifié.» Notre interlocuteur estime que le MSP tente tout simplement de charmer un lectorat islamiste qui ne se reconnaît plus dans la ligne politique de ce parti. «Le MSP a un pied dans l'opposition et un autre dans le pouvoir. On ne partage pas les mêmes ambitions. Et on n'apprécie pas de surcroît leurs pratiques politiques», ajoute-t-il. Benkhelaf rappelle enfin que des tentatives d'unification avaient échoué dans le passé. «Où était le MSP lorsque Djaballah s'était présenté à l'élection présidentielle? Et pourquoi a-t-il choisi de s'allier avec le FLN et le RND, qui ne sont pas de tendance islamiste?», s'interroge-t-il. Selon lui, les partis islamistes en Algérie sont condamnés à agir en rangs dispersés. Il faut savoir que le courant n'est jamais passé entre El Islah et le FIS dissous. Djaballah n'avait nullement apprécié le départ de «ses élèves», à l'image de Rabah Kebir, Djeddi, Boukhamkham de l'association culturelle En Nahda, pour s'allier avec Abassi Madani et Ali Benhadj sous la coupe du FIS dissous. Il ne faut pas perdre de vue que le FIS dissous n'a jamais appelé à voter pour El Islah aux différentes joutes électorales. Mais au-delà de ces donnes, une question s'impose: avec qui compte s'allier le MSP? Les partis islamistes affaiblis par les mouvements de dissidence ne constituent plus une force sur l'échiquier politique national. El Nahda ne compte que cinq députés et ne gère aucune commune. El Islah a connu une chute vertigineuse, ces deux dernières années. Les redresseurs qui ont repris le parti n'ont pas réussi à convaincre le lectorat islamiste après le départ de Abdallah Djaballah, dont le sort est tributaire d'une décision du Conseil d'Etat. Empêché des législatives puis des locales, l'avenir politique de cette personnalité est sérieusement compromis. Ses proches sont conscients que si la justice boude Cheikh Djaballah, l'administration l'empêchera de créer un parti politique. L'initiateur de ce projet, lui-même, passe par une zone de turbulences à l'approche du congrès. Mais si la mouvance islamiste a perdu aujourd'hui de sa puissance, comparée à ce qu'elle était il y a dix ans, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a pas abandonné l'espoir d'instaurer un Etat islamique. Preuve en est, les conditions qui ont présidé à l'épanouissement de cette mouvance sont toujours présentes. Le désenchantement politique, la modernisation chaotique qui n'a pas tenu ses promesses en sont les quelques éléments favorables au terreau islamiste. Et c'est exactement ce qui se passe actuellement en Algérie. Pour ainsi dire, l'islamisme se nourrit du...vide.