Il faut comprendre dans cette mobilisation la volonté de ceux qui avaient fui leurs terres de rentrer chez eux. L'électorat de la région ouest du pays a voté. Il s'est mobilisé depuis longtemps pour réussir ce rendez-vous important pour l'avenir du pays. Il est vrai que la région, qui a souffert les affres du terrorisme, a voulu, par l'adoption du projet de charte pour la paix et la réconciliation, tourner une page, celle des drames et des malheurs. La mobilisation de l'électorat a été perceptible depuis le lancement de la campagne, surtout dans des régions comme Tiaret, Relizane, Mascara et Saïda qui, à l'époque du terrorisme, défrayèrent la chronique par les massacres qui y furent perpétrés. Les confrères ont confirmé la mobilisation de l'électorat dans les régions rurales. Il faut comprendre dans cette mobilisation, la volonté de ceux qui avaient fui leurs terres de rentrer chez eux. «Dans la seule localité de Mechraa-Sfa, qui était considérée comme une base logistique des groupes du GIA qui sévissaient dans la région englobant Saïda, Tiaret, Mascara et Laghouat, on recense 30 douars dont une vingtaine ont été désertés par leurs habitants. Aujourd'hui, avec le lancement de programmes de développement de proximité, les gens veulent réintégrer leurs terres et c'est ce qui explique cet engouement de l'électorat de la région», dira un confrère. Mais ce qui laisse perplexe est cette tendance de l'électorat oranais à voter à deux vitesses. Faible le matin, l'affluence dans les bureaux de vote s'accentue l'après-midi. Mais pour cette fois, il faudra tenir compte du fait que la capitale de l'Ouest n'a voté qu'à près de 64%. Un chiffre bien en deçà de celui enregistré à Alger où on a relevé un taux de 71%. Mais cette façon de voter n'est pas partagée par tous les Oranais. «Les ruraux» votent, eux, le matin. Dans la localité de Chehaïria, un village de la daïra de Bethioua, meurtrie par des assassinats et des descentes de groupes armés, les électeurs se sont donné le tempo très tôt le matin. Aux environs de 11 heures on enregistrait déjà un taux de près de 53% de votants. A Gdyel, la réconciliation a mobilisé depuis longtemps les familles qui veulent tourner la page des drames. «C'est une occasion d'ouvrir une nouvelle page pour nos enfants qui ne doivent pas grandir dans la haine. Nous sommes convaincus qu'en agissant de la sorte, nous donnerons le plus beau des exemples aux générations futures», dira un patriote rencontré non loin d'un centre de vote implanté sur le chemin dit «Zoubiet El Marikane», un chemin forestier théâtre de plusieurs assassinats. Les Oranais ont voté à 16,77% le matin à 11 heures avant que le taux ne grimpe à 24,03% à 14 heures. Cette tendance s'est accélérée par la suite pour atteindre 56% à 16 h et près de 60% à 19 heures à la fermeture des bureaux de vote. Dans la soirée, les résultats ont confirmé la victoire du «oui» à 93% sur un total de près de 64% de taux de participation. Dans la wilaya de Relizane, 97,24% d'électeurs ont accompli leur devoir électoral. Dans des localités de la daïra de Aïn Tarik, on parle d'un taux de participation de 100% avec 100% de «oui». Ce sont ces zones coincées entre Had Chekala et Remka qui ont voté. Ce sont ces modestes gens ayant souffert les affres du terrorisme et fui leurs terres qui se sont mobilisés pour l'adoption du projet de charte. Les programmes de développement de proximité ont été pour beaucoup dans la mobilisation de ceux qui ont fui leurs terres. La même logique a été perçue à Saïda (96,37%), Mascara (86,76%), El Bayadh (93%). Ces zones rurales qui ont connu des exodes et qui ont souffert durant les pires années de la crise ont bénéficié de programmes de développement élaborés pour inciter les agriculteurs à réintégrer leurs terres. Des douars ont été dotés de réseaux d'AEP et d'assainissement, d'éclairage public, des routes y furent construites ainsi que des écoles et des salles de soins. Des programmes de réalisation de logements ruraux ont été également lancés dans ces zones pour encourager le retour de ceux qui avaient fui leurs terres. Cet effort, dans le cadre du programme quinquennal de soutien à la relance économique a porté ses fruits puisque bon nombre de fellahs manifestent aujourd'hui leur volonté de retrouver leurs douars. Un rêve qui ne pouvait être possible sans la promulgation d'une loi qui sécuriserait ces zones jadis peu sûres. Un autre constat pourrait être établi à l'occasion de ce vote. Il faudrait comprendre que la nature des habitants de l'Algérie profonde et leurs coutumes ont permis depuis longtemps aux ennemis d'hier de réapprendre à vivre ensemble. Les zaouias, par leur travail de sensibilisation, ont joué un grand rôle dans cette réconciliation, aujourd'hui consacrée par une loi qui pourra effacer les stigmates de plusieurs années de déchirures et de drames.