Il est ainsi du devoir de tout le peuple algérien et de la classe politique de s'impliquer pleinement dans le règlement définitif de la crise. Il a fallu que les Algériens votent un «oui» massif, en faveur de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, pour qu'ils découvrent que le problème que pose la Kabylie, plus ancien que celui du terrorisme islamiste, demeure aujourd'hui entier. En ne votant pas, la Kabylie marque d'abord sa différence avec le reste de la nation. Et cela pose problème, au moment même où le pouvoir s'emploie à conforter une unité de la nation, mise rudement à l'épreuve. Jamais, depuis les évènements du Printemps noir 2001, la situation en Kabylie n'a été aussi tendue. Le faible taux de participation enregistré dans les wilayas de Tizi Ouzou et de Béjaïa, soit 11% chacune, ainsi que dans les zones berbérophones de Bouira, dénote d'un malaise certain. Un véritable imbroglio, qui appelle à une solution urgente, à même de contenir la crise, avant que les choses ne dégénèrent. Les déclarations du chef de l'Etat à Constantine, ont été mal perçues par les partis et le mouvement citoyen. Pour preuve, à l'occasion du dernier scrutin, la rue a renoué avec la violence pour exprimer son désappointement. Bureaux de vote incendiés, escarmouches et émeutes sporadiques, ont caractérisé le jour du scrutin, au point que le déroulement de l'opération électorale a occupé les devants de la scène médiatique. D'ailleurs, la plupart des questions de la presse nationale et internationale, adressées au ministre de l'Intérieur étaient articulées autour du «dossier kabyle». Comment expliquez-vous le faible taux de participation ? Y aura-t-il une forte participation aux élections partielles? sont, entre autres, les principales «épreuves» auxquelles Nouredine Yazid Zerhouni a été soumis. Accusant «certains partis» d'être derrière les actes de vandalisme dans des bureaux de vote, Zerhouni n'a en réalité fait qu'exacerber les tensions au moment où il fallait plutôt tirer les enseignements de l'attitude au demeurant très attendue de l'électorat kabyle. Cependant, contrairement à la déclaration de Zerhouni, selon laquelle la Kabylie nous a habitués à de faibles taux de participation, ne reflète pas la réalité. En effet, de forts taux de participation dépassant les 60 % ont été enregistrés lors de l'élection présidentielle de 1995 et des législatives de 1997. Il est donc clair que les déclarations du chef de l'Etat à partir de Constantine, au sujet de la non-officialisation de tamazight ont heurté les sensibilités, aussi bien en Kabylie que dans plusieurs régions du pays. Car, il est aberrant qu'au moment où les négociations entre les archs et le gouvernement s'acheminaient vers une solution acceptable à la crise née du Printemps noir 2001, la déclaration de Constantine vient compromettre plusieurs mois d'efforts soutenus. La «sortie» de Bouteflika, qui n'a pas manqué de susciter des réactions en cascade de la part de la classe politique et du mouvement associatif de la région, interviennent dans une conjoncture toute particulière. C'est-à-dire, au moment où il est question de réconcilier les Algériens, après quinze années de terrorisme. Mais, est-il raisonnable de résorber une crise, celle du terrorisme islamiste, tout en ouvrant un autre front, encore plus sensible? Même le leader du Front des forces socialistes, a usé de mots très durs à l'égard du chef de l'Etat dans un entretien accordé à la chaîne Berbère TV. Pour leur part les forces politiques de la région, à l'image du FFS et du RCD du MAK, ont tenu des propos virulents à l'égard du dernier scrutin. Selon le parti d'Aït Ahmed, «le taux de participation annoncé est un gros mensonge» et que «le référendum est une réconciliation entre les responsables de la crise» De son côté, Saïd Sadi a estimé que «les taux de participation ont été multipliés par quatre et des personnes ont été ramenées d'ailleurs pour voter». Idem pour Belaïd Abrika, qui considère que «l'abstention à près de 90% de la Kabylie est une réponse cinglante au discours de Bouteflika à Constantine.» Enfin, après une longue éclipse, le président du MAK (Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie), voulant reprendre l'initiative, souligne que la mission des archs est définitivement terminée, dès lors que le président de la République a désavoué le chef du gouvernement en charge du dossier de la Kabylie. Cette fois, il s'agit d'intégrité du territoire national, à laquelle sont attachés tous les Algériens. Ces derniers sont conscients que la spécificité sociologique de la Kabylie, appelle à un traitement approprié, loin de toute manoeuvre ou autre semblant de solution, tendant à gagner du temps. «Pas d'Algérie sans la Kabylie et pas de Kabylie sans l'Algérie», ne cessent de marteler à chaque fois les autorités à l'occasion de discours de circonstance. Néanmoins, quel est l'intérêt d'un tel slogan, quand la réalité est tout autre? Ce qui est d'autant plus grave, c'est cette volonté de «corsisation» de la Kabylie, qui va faire l'affaire des extrémistes de tous bords, y compris des terroristes, qui y trouveront un lieu de retranchement idéal. D'autant plus, que l'on évoque ces derniers jours la mise en place d'un regroupement de partis de la région pour «gérer l'après-Constantine». Il est ainsi du devoir de tout le peuple algérien, de la classe politique, quelle que soit son inspiration idéologique de s'impliquer pleinement dans le règlement définitif de la crise en Kabylie. Cette région qui a fait l'objet à plusieurs reprises de tentatives de domestication, mais qui est restée fidèle à elle-même. D'abord, à sa spécificité culturelle et à sa dimension pleinement nationale. N'est-il, donc pas temps que le président Bouteflika, fort de cet énième plébiscite, use de toutes les attributions que lui confère la constitution, pour désamorcer la crise avant que celle-ci ne prenne des proportions incontrôlables, surtout que la région s'apprête à abriter le 24 novembre prochain des élections partielles? Alors que nous sommes à moins d'une semaine du mois de Ramadan, une course contre la montre doit être enclenchée pour rectifier le tir? Concernant le dialogue entre le gouvernement et les archs, le chef de l'Etat ne devrait-il pas recevoir les délégués du mouvement citoyen pour formaliser l'accord entre ce dernier et le chef de l'Exécutif Ahmed Ouyahia? Une chose est sûre: le temps presse et il faut agir vite!