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Une présidentielle lourde de conséquences
ELECTION AU MALI
Publié dans L'Expression le 30 - 07 - 2018

Les Maliens votaient hier pour un scrutin présidentiel censé relancer l'accord de paix de 2015, alors que l'instabilité dans le pays a gagné plusieurs Etats voisins du Sahel, malgré cinq ans d'interventions militaires internationales contre les terroristes. En dépit de la mobilisation de plus de 30.000 membres des forces de sécurité, nationales et étrangères, selon le ministère de la Sécurité intérieure, des incidents ont été signalés dans le nord et le centre du pays, tandis que l'affluence semblait encore timide dans la matinée à Bamako.
Les quelque 23.000 bureaux de vote sont ouverts de 08h00 à 18h00 (locales et GMT), les premiers résultats étant attendus dans les 48 heures, les résultats officiels provisoires le 3 août au plus tard, avant un éventuel second tour le 12 août.
Plus de huit millions d'habitants de ce vaste pays enclavé d'Afrique de l'Ouest, comptant une vingtaine d'ethnies, doivent décider de reconduire le président Ibrahim Boubacar Keïta, 73 ans, ou élire un de ses 23 concurrents, dont le chef de l'opposition, Soumaïla Cissé, et une seule femme, Djeneba N'Diaye. La communauté internationale, présente militairement avec la force française Barkhane, qui a pris le relais de l'opération Serval lancée en 2013 contre les terroristes, et avec les Casques bleus de l'ONU, attend du vainqueur une relance de l'accord de paix signé en 2015 par le camp gouvernemental et l'ex-rébellion à dominante touareg, dont l'application accumule les retards.
Malgré cet accord, les violences terroristes ont non seulement persisté, mais se sont propagées du nord vers le centre et le sud du pays, puis au Burkina Faso et au Niger voisins, se mêlant souvent à des conflits intercommunautaires.
Si l'élection de 2013 a permis de «rétablir l'ordre constitutionnel», en 2018 les Maliens doivent prouver que «le processus démocratique est irréversible», a affirmé le chef de la mission de l'ONU au Mali (Minusma), Mahamat Saleh Annadif, soulignant que la situation du pays restait «fragile». Le président sortant a voté peu après 09h00 GMT à Bamako, tandis que le chef de l'opposition devait accomplir son devoir civique à Niafounké, dans la région de Tombouctou (nord-ouest). Dans les locaux défraîchis de l'école où a voté M.Keïta, les opérations de vote ont commencé peu après 08h00. «J'ai ma carte, je vais voter pour mon pays et pour celui que j'aime comme président car je suis un citoyen comme les autres», a déclaré Moriba Camara, un instituteur de 35 ans, alors que les électeurs n'étaient encore qu'une poignée. «Je sais qu'il n'y aura pas de triche, j'ai confiance dans les autorités, ils ont tout mis en place», a-t-il ajouté.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui s'était rendu au Mali il y a deux mois a appelé les protagonistes à permettre «un processus pacifique, libre et transparent» et «à recourir aux institutions prévues à cet effet en cas de litiges». L'opposition, qui dénonçait un risque de fraude, a fini par s'entendre samedi avec le gouvernement pour participer au scrutin, malgré ses réserves sur le fichier électoral.
Pour permettre la tenue du scrutin sur la plus grande partie du territoire, plus de 30.000 membres des forces de sécurité, nationales et étrangères, sont mobilisés, selon le ministère de la Sécurité intérieure. Dans le Nord, où l'Etat est peu ou pas présent, les groupes armés signataires de l'accord participeront également à la sécurisation du vote. Le taux de participation est traditionnellement bas, sensiblement inférieur à 50%, au premier tour de l'élection présidentielle dans ce pays connu pour son rayonnement culturel, mais où moins d'un tiers des plus de 15 ans sont alphabétisés.
«Si le nouveau président peut vraiment donner plus de chances aux jeunes et lutter vraiment contre la corruption, je pense que beaucoup de choses iront dans ce pays», espère Ahmed Tidiane Séméga, un contrôleur aérien.
Le gouverneur de Mopti (centre), le général Sidi Alassane Touré, s'est dit «très optimiste» sur la participation dans cette région, au regard du taux de retrait des cartes d'électeurs qu'elle affiche, légèrement supérieur à la moyenne nationale de 74,5%. Mais à Bamako, Mounkoro Moussa, un commerçant de Djenné (centre), carrefour historique du commerce transsaharien, souligne que pour se rendre dans sa région d'origine «ce n'est pas facile, on a la peur dans nos coeurs. Tout ce que je souhaite du prochain président, c'est qu'il règle d'abord le problème de la sécurité».


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