La commission des Lois laisse tout le monde sur sa faim L'histoire retient que le seul gouvernement tombé sous l'effet d'une motion de censure fut celui de Georges Pompidou, en 1962. Cette fois, la République en marche domine largement les travées de l'Assemblée nationale et le gouvernement n'a donc rien à craindre. Le feuilleton Benalla tient toujours en haleine la classe politique française, malgré la canicule qui sévit ces dernières semaines. Après plusieurs jours d'audition, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, de plusieurs proches du président Macron et de hauts fonctionnaires, il y a aura le dépôt, dès demain, de deux motions de censure présentées par les Républicains, d'une part, et une alliance retrouvée des partis de gauche (PS, Parti communiste et La France Insoumise), d'autre part, dans le but, tout à fait symbolique il est vrai, de faire «tomber» le gouvernement. Si ces deux initiatives n'ont pas la moindre chance d'aboutir à un renversement de l'équipe conduite par Edouard Philippe, elles représentent néanmoins une belle opportunité, pour les camps de l'opposition, de rebondir avec fracas dans l'enceinte politique d'où le triomphe du macronisme, en mai 2017, les avait plus ou moins bannis. Ces motions de censure ne constituent pas vraiment une surprise tant leur usage est fréquent en France. Il y en a eu plus d'une centaine depuis l'avènement de la Vème République. Mais l'originalité de ces dernières motions se situe dans le fait que les tendances aussi opposées que peuvent l'être les partis de gauche et la formation d'extrême droite disent ouvertement leur intention de soutenir les diverses motions d'où qu'elles viennent, pour peu que soit respectée la réciprocité. Ainsi, les Républicains sont-ils assurés du soutien de Marine Le Pen qui a déjà confirmé qu'elle votera leur motion sans aucun état d'âme. Et comme les deux motions seront déposées, autre fait exceptionnel, en même temps, Mme Le Pen fera d'une pierre deux coups, du moment qu'il s'agit de tirer sur le rival de mai 2017, Emmanuel Macron. L'histoire retient que le seul gouvernement tombé sous l'effet d'une motion de censure fut celui de Georges Pompidou, en 1962. Cette fois, la République en marche domine largement les travées de l'Assemblée nationale et le gouvernement n'a donc rien à craindre de la démarche de ses adversaires qui totalisent, toutes tendances confondues, 166 députés alors que la majorité requise pour le faire tomber est de 289 voix. L'objectif avoué des initiateurs est tout autre: pour briser le verrouillage du président Macron, de son gouvernement et de son parti, la République en marche, autour de l'affaire Benalla, les Républicains et les partis de gauche estiment qu'il est de leur droit comme de leur devoir de faire éclater la vérité et veulent pour cela contraindre l'exécutif à venir s'expliquer devant les élus. Le fait que les motions émanent de la droite comme de la gauche, pour une fois unis- ce qui est en soi suffisamment «historique» -, illustre aussi leur attachement à la «vérité» sur l'affaire Benalla, un attachement d'autant plus impératif qu'ils y trouvent un regain inespéré d'entrisme politique après la déconvenue de mai 2017. Usant et abusant parfois des démarches théâtrales, comme cette porte claquée de la commission des Lois à l'Assemblée nationale, l'opposition de gauche et de droite a déjà engrangé un bénéfice tangible avec le renvoi sine die des débats sur le projet de révision constitutionnelle, dénoncé comme un paroxysme de l'»hyper-présidentialisation» des institutions. De son côté, la majorité présidentielle et le gouvernement crient au «complot politique» pour revenir sur la scène avec des méthodes qui ne correspondent nullement aux problèmes posés. L'affaire Benalla est vue, de leur point de vue, comme une banale dérive d'un chargé de mission avec les sanctions qu'elle mérite et lui opposer des motions de censure serait de «l'exagération». Toute la démarche du président Macron lui-même aura consisté, depuis qu'il a daigné prendre la parole pour tenter de minimiser et de banaliser au maximum cette «affaire» à dénoncer les calculs de l'opposition et à intimer l'ordre aux médias de circuler puisqu'il «n'y a rien à voir». Fort heureusement pour lui et pour son parti, mercredi sonnera la fin de la récréation et les députés iront, bon gré mal gré, en vacances, après avoir lancé «la dernière alerte» à l'adresse de l'opinion publique qui a d'autres chats à fouetter avec la galère des trains qui ne partent plus à l'heure, notamment. Toutefois, il reste cette sentence de Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France Insoumise, qui déclare: «Je ne dis pas que la motion de censure doit être un point final. Faisons leur confiance dans l'art d'aggraver les choses.»