Les conclusions de la commission de l'ONU sur l'assassinat de Rafic Hariri s'avèrent extrêmement embarrassantes pour le président syrien dont le frère et le beau-frère sont nommément mis en cause. Bush est satisfait : le brûlot lui donne l'occasion tant rêvée, de découdre avec Damas. La Maison-Blanche avait examiné, il y a peu, avec les Israéliens, un éventuel changement de régime en Syrie et le remplacement du président Bachar Al-Assad. L'information avait été rapportée par le quotidien israélien Haaretz, relatant les conversations américano-israéliennes sur ce sujet ainsi que l'intérêt de responsables américains pour les estimations de Sharon concernant un éventuel remplaçant du président Assad. Washington devait, cependant, faire montre de son souci de préserver la stabilité en Syrie, quitte à maintenir au pouvoir un président Assad “affaibli”, plutôt qu'un changement de régime ouvrant la voie à d'autres déconvenues et risquant, surtout, de déstabiliser l'ensemble de la région. Le dossier syrien n'a jamais quitté le bureau Ovale de la Maison-Blanche, Damas ayant toujours été aux yeux de ses locataires successifs l'empêcheur de tourner en rond. Le père de Bachar tenait la dragée haute à Washington qui le considérait comme un “adversaire redoutable et incontournable”. Depuis l'invasion de l'Irak, le pays est devenu une obsession pour Bush, qui estime Damas en grande partie responsable du terrorisme qui frappe l'Irak. C'est devenu, au fur et à mesure, de son enlisement à Bagdad une des priorités de son agenda, allant jusqu'à partager le calcul de Sharon, lequel, de son côté, a toujours impliqué la Syrie dans l'aide apportée à la résistance palestinienne, réaffirmant sans cesse qu'Israël ne quittera jamais le plateau du Golan qui constitue aux yeux de ses dirigeants une profondeur stratégique. Que va faire maintenant Washington qui, jusqu'ici, se montrait prudent à propos d'un éventuel changement à la tête du régime syrien, bien qu'il n'ait pas cessé d'initier des démarches pour essayer de fédérer les opposants de Bachar ? Bush se défaussait en disant qu'il fallait attendre de connaître les conclusions de la commission d'enquête de l'ONU. Dans l'incertitude, Washington préférerait un régime dirigé par Bachar Al-Assad “soumis à des pressions de plus en plus pressantes de la communauté internationale” plutôt que de voir arriver au pouvoir, au pire, une junte militaire. Sharon a d'ores et déjà annoncé qu'il ne prendrait pas de mesures susceptibles de porter atteinte aux efforts déployés par les Américains pour exercer des pressions sur la Syrie. Dans la région, plusieurs pays sont inquiets de la tournure que risque de prendre le bras de fer Damas-Washington. Leurs journaux voient dans le brûlot Mehlis une situation susceptible d'exacerber la tension dans la région. Au moment où la Ligue arabe tente d'éteindre le volcan irakien, un autre volcan, syrien, risque d'exploser à la frontière de l'Irak et de plonger la région dans une situation encore plus difficile avertit Al-Jazira. Le SG de la Ligue arabe, Amr Moussa, a achevé une visite en Irak où il a tenté de convaincre les parties irakiennes de participer à une conférence de réconciliation nationale. Les commentateurs du Golfe s'attendent à la reddition d'un scénario à l'irakienne : le Conseil de sécurité de l'ONU adopterait des résolutions contre la Syrie et son peuple, notamment un embargo économique pour l'affamer, à l'identique de ce qui a été imposé pendant des années à l'Irak de Saddam Hussein. La Syrie sera alors un autre point de tension, qui pourrait devenir une nouvelle source de violence pour les pays de la région, le monde arabo-musulman dans son ensemble. D. Bouatta