Dans cette interview, le président de l'Association de protection et orientation du consommateur et son environnement (Apoce), nous parle de l'Aïd El Adha et de spectres qui hantent cette fête religieuse, à savoir la fièvre aphteuse, la viande bleue et les prix. Pour la fièvre aphteuse, le docteur Zebdi se veut rassurant, mais pour les deux derniers il renvoie la responsabilité au ministère de l'Agriculture. «On risque d'assister à l'un des plus chers Aïd el Adha de l'histoire du pays», met-il en garde... L'Expression: L'épidémie de fièvre aphteuse qui sévit actuellement à travers le pays inquiète au plus haut point les Algériens à la veille de l'Aïd el Adha. Qu'en est-il exactement? Mustapha Zebdi: Je tiens à rassurer les consommateurs algériens: la fièvre aphteuse ne représente encore aucun risque pour les moutons, et encore moins pour les humains. Il y a plusieurs types de fièvre aphteuse, celle qui sévit actuellement ne touche pas les ovins. Et même si c'était le cas, les bêtes touchées sont automatiquement abattues afin d'éviter qu'elles ne contaminent le reste du troupeau. Même dans le cas où un mouton est touché par la fièvre aphteuse, la consommation de sa viande ne représente aucun risque. Il faut juste éviter de manger les abats (tête et pieds). Je tiens également à préciser que la transmission à l'humain est très exceptionnelle. Même dans le cas où il y a eu transmission, l'humain a été longuement en contact avec les bovins atteints, cela reste sans risque, c'est seulement une petite fièvre qui ne laisse pas de séquelles. Donc que les Algériens soient rassurés, la fièvre aphteuse est sans danger pour eux. Le danger vient pour moi des spéculateurs qui risquent d'utiliser cette «excuse» afin de faire flamber le marché. - Justement, les prix sont en train de flamber, comment s'explique cette situation alors que le ministère de l'Agriculture avait promis de mettre fin à la spéculation? -Il n'y a aucune mesure concrète qui a été prise. C'est l'anarchie totale! La campagne de vente des moutons de l'Aïd risque d'être des plus catastrophiques et ce sont les citoyens qui le paieront très cher. Nous sommes en contact permanent avec la Fédération nationale des éleveurs afin de trouver ensemble une solution pour éviter que les citoyens soient «sacrifiés» pendant l'Aïd. Mais nous ne pouvons rien faire sans le soutien des autorités. Or, aucune démarche concrète n'a été faite pour organiser les marchés de vente de bétail. Il faut obligatoirement qu'il y ait une coordination étroite avec les vrais éleveurs et les associations de consommateurs. Il faut organiser les marchés de proximité ou encourager les éleveurs à descendre dans les grandes villes pour vendre directement leurs moutons. Rien de cela n'a été fait! Ce qui laisse libre la voie aux spéculateurs qui dicteront leur loi. Il faut ajouter à cela, les craintes et les rumeurs sur la santé des moutons tels que la fièvre aphteuse ou la viande qui devient bleue. Les «pros» de la spéculation se frottent déjà les mains. Si la situation reste comme elle est, nous allons assister à l'un des plus chers Aïd el Adha de l'histoire du pays... Après la fièvre aphteuse et les prix, c'est le spectre de la viande bleue qui hante les Algériens. L'inquiétude est d'autant plus grande du fait que les résultats de l'enquête sur la putréfaction de la viande du mouton de l'Aïd n'ont pas été rendus publics. Que cache ce silence des autorités concernées? Malheureusement, j'insiste sur ce mot, car on est à la veille d'un nouvel Aïd El Adha et aucun résultat n'a été communiqué par les services vétérinaires du ministère de l'Agriculture. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Nous leur avons adressé plusieurs correspondances, en vain! Nous espérions qu'un échange se fasse pour connaître les vraies raisons de ce problème, surtout que nous avons rassemblé une grande base de données, mais nos réclamations sont restées lettre morte. Comme nous ne cessons de le réclamer, la tutelle doit communiquer à l'opinion publique les résultats des enquêtes et des analyses effectuées l'année dernière sur la viande des moutons de l'Aïd. Nous avons certes mené notre propre enquête, qui a révélé des causes exogènes liées à l'alimentation et à la vaccination, mais nous voulions avoir la version officielle pour le bien des citoyens. Les Algériens ont peur. Non seulement pour leur poche, mais aussi pour leur santé. Ils sont en droit de demander des explications et d'avoir des réponses...