Les Algériens sont pourtant plus nombreux, plus dépensiers dans les commerces de proximité, dit-on, mais souvent, plus bruyants que la clientèle européenne. On ne va pas toujours où l'on veut, mais là où on peut. La Tunisie est la destination la plus, statistiquement, prisée. C'est une destination facile. La proximité géographique et culturelle, l'accessibilité par voie terrestre, l'entrée sans visa, les prix, la sérénité qu'inspirent ses espaces touristiques, en font l'idéal de vacances des Algériens. Ses chiffres de fréquentation par les Algériens, en constante progression, en sont les meilleures preuves. Pourtant, ils sont très nombreux ceux qui se plaignent des attitudes discriminatoires des hôteliers tunisiens. Pas des Tunisiens. Non plus des commerçants, artisans, ou des personnels des administrations publiques ou des forces de l'ordre. Non, seulement des hôteliers. En tarifs, en accueils à l'arrivée, ou en service de restauration, les Algériens se sont toujours révoltés contre «les négligences» et le peu d'attention dont ils font l'objet, quand, dans une salle de restaurant, ils sont à proximité de touristes européens. Ces derniers sont mieux traités, plus choyés, mieux servis. Est-ce l'instinct marketing, considérant les marchés européens plus rentables, plus durables et, surtout, plus payants en matière de valorisation d'image? Est-ce la sous-qualification professionnelle des personnels hôteliers, encore plus perceptible depuis la révolution du Jasmin? Peut-être les deux. Les Algériens sont pourtant plus nombreux, plus dépensiers dans les commerces de proximité, dit-on. Mais souvent, plus bruyants que la clientèle européenne. L'Algérie détrône la France en matière de nombre d'entrées mais pas en statut. Les Français et, plus généralement, les Européens demeurent les chouchous des opérateurs du tourisme tunisien. Outre leurs comportements considérés plus valorisant, ils sont champions en «early booking» - notre tare- et ils paient à l'avance et ils sont plus rassurants en termes d'anticipation de vente. Les événements de l'été qui ont vu des Algériens refoulés d'hôtels tunisiens n'ont rien à voir avec ces appréhensions vis-à-vis de leurs hôteliers tunisiens ni de celles de ces derniers vis-à-vis de ces Maghrébins que sont les Algériens. Ils ne sont pas, non plus, une «tempête dans un verre d'eau». C'est juste des incidents ordinaires du phénomène touristique, provoqués par des comportements irresponsables d'agences de voyages. Mais pas seulement des agences de voyages. Les clients qui se dirigent vers des pays étrangers, quand bien même ces pays jouissent du statut de «pays frère» sont également irresponsables. Cela révèle une défaillance plus grave. Plus inquiétante. Celle de l'absence de la culture du voyage pour de nombreux Algériens. Ce sont des incidents qui arrivent. Le surbooking n'en est pas à ses premières victimes dans le monde ni même à ses dernières. Mais pourtant, il a créé une panique qui renseigne sur le degré de vulnérabilité du tourisme tunisien. Un tourisme que quelque deux à trois centaines de touristes algériens contrariés et autant de pugnaces «post» électroniques ont mis à mal. Au point de «convoquer» une armada de journalistes pour s'assurer de la bonne «fraternité» des Tunisiens, de leur bonne foi, calmer des esprits qui s'agitent et sauver une saison qui risque de péricliter. La Tunisie reste un pays frère. Ce n'est pas un choix. C'est une vérité historique, culturelle civilisationnelle. Une évidence presque naturelle. Mais la Tunisie a un acquis à préserver, un territoire touristique à sauver et développer. Son savoir-faire est indéniable. En moins de cinq années, la barre est redressée et le tourisme a de nouveau le vent en poupe. Malgré l'hydre terroriste et les velléités intégristes. Ses Européens sont de retour et que grand bien leur fasse. Il reste à l'Algérie de se regarder en face et d'évaluer son parcours touristique. Rester tributaire d'un autre pays pour répondre aux besoins de ses citoyens en matière de vacances est un aveu d'insuffisance, voire d'échec. Il est plus que temps de passer de façon plus active à la réalisation des multiples projets en cours. Densifier le parc hôtelier et touristique balnéaire, rénover et moderniser l'existant comme l'a courageusement et énergiquement engagé le Groupe HTT et d'autres investisseurs privés. Restituer aux stations balnéaires leurs vocations d'espaces de villégiatures et de réjouissances. Sécuriser les plages, et éviter ces dramatiques, mortelles et gratuites agressions qui ont secoué la torpeur estivale. Créer un environnement propice aux vacances en termes d'animation, d'hygiène, d'organisation et de sérénité. Quant aux vacances à l'étranger, la première mission et la première responsabilité revient aux pouvoirs publics. Qui a vraiment droit à l'exercice de ce métier de voyagiste? Il est temps de renouer avec le professionnalisme et lui restituer ses marques. Les interventions au titre des sanctions n'en seront que moindre parce que les fautes seront forcément moins nombreuses et moins répétitives. La seconde responsabilité est celle des agences. Le minimum qui en est attendu est d'assurer à leurs clients les meilleures conditions de prix, d'accueil et de séjours. Et enfin, le contrat de voyage. Quand en Europe, on en est à discuter, négocier, prévoir les plus petits détails du séjour, en hébergement et toutes ses commodités, restauration et les composants des cartes et menus, les distances jusqu' aux plages et autres aspects du séjour, les nôtres se contentent de convenir de tarifs, des types d'hébergement, et de délais de rétrocession. Même la prise en compte de la force majeure ne leur est pas accordée. Il est temps d'y remédier. Par l'apprentissage du métier, par la mise en avant et la valorisation des atouts du professionnalisme et par la force publique quand cela sera nécessaire. C'est à ce prix, que la culture du voyage s'imposera dans les comportements de tous.