L'on constate une sorte de «rébellion» de la jeune génération de cadres intégristes contre la tutelle politique des anciens. La famille islamiste radicale, l'une des plus concernées par la démarche réconciliatrice du chef de l'Etat, a montré de grandes limites quant à la légendaire cohésion qui la caractérisait durant les années de clandestinité. Ainsi, sous «les feux» de la légalité, l'on constate que les principaux animateurs de l'intégrisme algérien sont des hommes politiques avec des défauts et des ambitions, voire une grande disponibilité à la négociation, avec tout ce que cela suppose comme compromis et éventail de «solutions possibles». Tout le long de la campagne référendaire pour la charte pour la paix et la réconciliation nationale, les messages adressés par le président de la République aux dirigeants de l'islamisme radical n'étaient certes pas très nombreux, mais avaient le mérite d'être répétitifs, histoire d'ôter toute interprétation autre que celle que le premier responsable de l'Etat a voulu donner à l'esprit de la charte votée le 29 septembre dernier. Ainsi, il est bien clair qu'aucun activiste de l'ex-FIS ou de son bras armé, n'a le droit de faire de la politique. Autrement dit, toutes les institutions de la République demeureront fermées pour les responsables du parti dissous. C'est là l'un des principaux points de la Charte qui divise les islamistes radicaux. Ces derniers se sont scindés en deux groupes : les pour et les contre. Les premiers, en acceptant le principe de ne plus faire de politique «pour l'instant», justifient leur position par la nécessité du retour préalable de la paix civile. Ils se disent même «prêts à sacrifier l'ex-FIS pourvu que cesse l'effusion du sang en Algérie». Attitude honorable que la société ne peut qu'apprécier, mais qui semble ne pas faire l'unanimité au sein de l'équipe dirigeante du parti dissous. En effet, Abassi Madani et autres dirigeants établis en Algérie et à l'étranger, refusent de cautionner la démarche présidentielle, au motif qu'elle ne règle pas le fond du problème. Ils estiment que seules des négociations directes entre les principaux acteurs de la crise sont à même de constituer une solution durable à la situation politico-sécuritaire du pays. Cette catégorie d'islamistes s'appuie sur le Contrat de Rome cosigné avec le FFS représenté par Hocine Aït Ahmed en personne, le FLN, version Mehri, le Parti des travailleurs de Louisa Hanoune et En-Nahda, à l'époque drivé par Abdallah Djaballah. Au jour d'aujourd'hui, il re reste plus grand-chose de l' «Union» des forces d'opposition. Et pour cause, à l'exception du FFS qui continue à soutenir que seul le Contrat de Rome est la solution, le FLN, le PT et le MRN de Djaballah ont très officiellement soutenu la proposition de Bouteflika qui, prônant la réconciliation entre Algériens, ne laisse aucune place à une quelconque manoeuvre politicienne des forces islamistes radicales. Au plan politique, la donne semble claire en effet. La Charte pour la paix et la réconciliation nationale a réussi à fédérer autour d'elle des courants politiques jadis contradictoires, mais elle a également montré l'essoufflement du mouvement islamiste radical dont les chefs historiques n'arrivent vraisemblablement pas à se faire entendre. Et pour cause, l'on constate à la lumière des déclarations, une sorte de «rébellion» de la jeune génération de cadres intégristes contre la tutelle politique des anciens. La dualité Madani Mezrag-Abassi Madani en témoigne. Et dans cette «guerre de générations», l'ambition politique des uns et des autres joue pour beaucoup. En effet, si Mezrag accepte le deal proposé par Bouteflika, c'est qu'il espère rebondir un jour. Sa jeunesse plaide pour lui. Ce n'est manifestement pas le cas d'un Abassi Madani qui, après avoir frôlé le perron d'El Mouradia, ne peut consentir de redevenir un simple citoyen avec, suprême insulte, l'interdiction de pratiquer toute fonction politique. Le face-à-face Abassi-Mezrag est sans doute le dernier. Le 29 septembre dernier a définitivement consacré la fracture au sein de la famille islamiste radicale.