Plus de quinze millions d'Irakiens sont appelés à approuver par référendum le projet de loi fondamentale. Les Irakiens vont voter aujourd'hui pour l'approbation, ou le rejet, du projet constitutionnel, dans un climat marqué par les violences et les intimidations des divers groupes armés et notamment celles exprimées par le mouvement d'Abou Moussab Al-Zarqaoui, le représentant local d'Al Qaîda. Aussi, le gouvernement du Premier ministre, chiite, Ibrahim Al-Jaafari, est-il confronté à une situation particulière: assurer la sécurité du scrutin et plus singulièrement celle des Irakiens appelés, par la probable approbation du projet de loi fondamentale, à tourner définitivement la page Saddam Hussein. Le challenge est à tout le moins difficile pour les autorités intérimaires irakiennes totalement concentrées sur le succès d'un scrutin qui aura à organiser le futur de l'Irak. D'aucuns se rappellent que le scrutin du 31 janvier dernier -élections générales- a été marqué par une retour sanglant de la violence. Aussi, les autorités de Baghdad craignent une répétition similaire de la violence pour le vote d'aujourd'hui placé sous haute surveillance après les menaces d'Al Qaîda et des groupes djihadistes. Pour parer à ce danger, les autorités transitoires irakiennes ont pris une série de mesures draconiennes allant de la fermeture des frontières et des aéroports à l'instauration du couvre-feu. Ainsi, les frontières terrestres sont fermées depuis hier et cela, jusqu'à demain (à 15h00 GMT, 18h00 locales). Cette mesure préservative touche également l'aéroport international de Baghdad qui sera fermé jusqu'à demain. Par ailleurs, un couvre-feu général a été décrété sur tout le territoire depuis jeudi (de 22h00 à 06h00 locales). Il a été également interdit tout trafic entre les provinces durant les jours précédant et suivant le vote (de vendredi jusqu'à dimanche), sauf pour les convois gouvernementaux et militaires. Pour faire bonne mesure, les contingents militaires américains - forts de 140.000 hommes - et les forces sécuritaires irakiennes (policières et paramilitaires) sont mises en état d'alerte maximum afin de permettre aux Irakiens de voter dans un climat de sécurité maximal. Mais cela semble difficile et les mesures prises insuffisantes eu égard à la poursuite à grande échelle de la violence. Hier, deux permanences du Parti islamique irakien (sunnite modéré), qui a rallié le camp du ‘'oui'' au référendum, ont été attaquées hier à Baghdad sans faire toutefois de victimes. De fait, dès mercredi, après la confirmation du ralliement du Parti islamique aux partisans du ‘'oui'' un groupe islamique Jaïch Al-Takfa Al-Mansoura, lié à Al Qaîda, a menacé de mort les dirigeants et responsables de ce parti, (qui a approuvé en dernière minute les ultimes modifications apportées au texte constitutionnel). Dans un communiqué diffusé mercredi sur un site Internet, le groupe indique que « La commission islamique de Jaïch Al-Takfa Al-Mansoura a décidé de considérer les apostats Mohsen Abdel Hamid et Tarek Al-Hachémi comme des cibles des moudjahidin où qu'ils soient ». C'est dans un climat marqué par la terreur et dans un pays quadrillé par les services de sécurité et les armées de la coalition que les Irakiens sont donc invités à faire leur ‘'devoir'' électoral. Au plan politique, la journée du mercredi a été marquée par les ultimes retouches apportées au document du projet de loi fondamentale dans l'objectif de lever l'opposition de la communauté sunnite. Celle-ci très divisée n'est pas parvenue à tirer les leçons du cuisant échec du suffrage du 31 janvier, où les sunnites, qui ont boycotté le scrutin, n'ont pu avoir en guise de représentants au Parlement, qu'une dizaine de députés alors qu'ils pouvaient espérer avoir entre 60 et 80 députés. Pour le référendum d'aujourd'hui, les tiraillement demeurent entre ceux qui se sont ralliés au ‘'oui'', à l'instar du Parti islamique, ceux qui appellent au boycott, comme le Comité des oulémas irakiens, le plus important groupe religieux irakien qui refuse de participer à tout processus politique sous occupation étrangère, et enfin ceux qui vont voter pour dire ‘'non'' au projet de Constitution. La plus importante modification apportée au projet de Constitution, qui a décidé le Parti islamique à lever ses réserves, est la possibilité pour le prochain Parlement -qui sera élu le 15 décembre- d'amender la Constitution répondant ainsi en partie aux doléances des sunnites qui craignent que la future loi fondamentale n'ouvre la voie à la partition de l'Irak par l'instauration du fédéralisme auquel ils sont opposés.