La Constitution soumise au référendum le 15 octobre suscite polémiques et interrogations Loin d'être le bout du tunnel attendu, la future loi fondamentale irakienne -que le peuple irakien est appelé à approuver par référendum le 15 octobre- risque en fait de devenir le terreau de la partition de l'Irak. Contestée par les sunnites qui appellent à voter contre, estimant que certains des articles de la Constitution mettaient en danger l'unité du pays, la loi fondamentale -concoctée au triple galop par l'alliance Kurdes-chiites- a de fortes chances d'être rejetée samedi prochain. Pour parer à cette menace, le Parlement dominé par l'alliance Kurdes-chiites a adopté dimanche dernier de nouvelles règles pour le vote du 15 octobre avec pour objectif d'empêcher les sunnites de faire un choix indépendant. En spécifiant que le texte ne pourrait être rejeté que si deux tiers des « électeurs inscrits » dans trois provinces votent contre, le Parlement irakien vole au secours du «oui». L'article 61 C de la Loi fondamentale transitoire, qui régit actuellement le pays, fixe les règles du vote du référendum en utilisant le terme imprécis d'«électeur», sans déterminer s'il s'agit des inscrits ou des votants. Selon l'article en question, «le référendum sera un succès et le projet de Constitution ratifié si une majorité des électeurs en Irak l'approuve et si deux-tiers des électeurs dans trois provinces, ou plus, ne le rejettent pas». Or, le Parlement a adopté dimanche un document de la commission législative selon lequel il sera pris en considération les votants pour l'approbation du texte constitutionnel et des inscrits pour son rejet. «Le mot électeur dans la première partie de l'article 61 C veut dire les électeurs inscrits ayant exprimé leur vote, et veut dire les électeurs inscrits dans la deuxième partie», selon le texte incriminé. Mais les modifications apportées par les députés à l'article 61 C de la Constitution provisoire remettent de fait en cause le libre choix de l'électorat. De fait, les changements apportés dimanche par le Parlement facilitent l'adoption du texte à l'échelle nationale, tout en rendant plus difficile son rejet notamment par la minorité sunnite qui appelle à voter « non ». L'ONU et les Etats-Unis ont immédiatement réagi à l'initiative du Parlement irakien. L'ONU a ainsi critiqué les amendements apportés au texte constitutionnel provisoire irakien par le changement des règles du vote pour le référendum, en «exprimant leur préoccupation» au gouvernement irakien. L'ONU a interpellé «le gouvernement (irakien) pour exprimer sa préoccupation sur les changements intervenus», dans l'article 61 C de la Loi fondamentale transitoire, a déclaré une responsable de la mission de l'organisation à Baghdad (Unami), sous couvert de l'anonymat. L'ONU «négocie une possible solution pour atteindre un compromis», a-t-elle ajouté. De son côté, le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack a estimé que l'Assemblée nationale provisoire a «interprété la loi» indiquant: «Nous pensons que le résultat des discussions entre la commission électorale et l'Assemblée nationale provisoire doit respecter la Loi fondamentale transitoire», soulignant qu'«il doit respecter non seulement la lettre de la Loi fondamentale mais aussi son esprit». «En outre, nous pensons que, quel que soit le résultat de leurs discussions, leur objectif doit être d'élargir le consensus», ajoute M.McCormack, au moment où les Etats-Unis tentent de convaincre la minorité sunnite de participer au vote sur la Constitution, malgré ses réticences. Mais il n'y a pas que la Constitution qui partage les Irakiens, lesquels ont innové en fixant deux dates pour le début du Ramadan dans ce pays. En effet, les imams sunnites ont fixé la date du début du mois du jeûne au mardi 4 octobre, en même temps que la majorité des pays arabes et musulmans, alors que le cabinet du grand ayatollah, Ali Sistani, a indiqué (lundi) que pour les chiites irakiens le Ramadan commencerait le mercredi. Que les pays musulmans débutent dans le désordre le mois du jeûne est un fait connu de longue date, mais que les citoyens d'un même pays, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le Ramadan, trouvent le moyen de le commencer à des jours différents, voilà qui accentue quelque peu le spectre de la partition qui menace aujourd'hui sérieusement l'Irak. Outre cela, il faut aussi relever la guéguerre de leadership que se livrent Kurdes et chiites. Ainsi, le président kurde de l'Irak, Jalal Talabani, et le président du Kurdistan autonome, Massoud Barzani, viennent de donner un avertissement au Premier ministre, chiite, Ibrahim Al Jaâfari, lequel, selon les Kurdes, «accaparerait le pouvoir exécutif» et ne «respecte (pas) un accord d'alliance signé avant la formation du gouvernement» après les élections de janvier, remportées par les listes chiite et kurde. «Si vous ne résolvez pas rapidement ces problèmes, cela affectera notre alliance», ont affirmé le président irakien et le président du Kurdistan irakien dans une lettre envoyée ces derniers jours à M.Al Jaâfari et rendue publique par Mullah Bakhtiar, un membre de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK).Les inquiétudes formulées ici et là par des analystes et observateurs, quant au devenir de l'Irak, se révèlent plus ou moins fondées face aux dérives qui mettent en danger l'unité de ce pays.