Va-t-on assister à une véritable levée de boucliers de la part des islamo-conservateurs en quête d'un prétexte électoraliste ? Les réformes que le Président Bouteflika, dès son investiture à la tête de l'Etat, a annoncées comme étant des actions non seulement imminentes, mais essentielles pour moderniser une Algérie en pleine déconfiture, se sont finalement heurtées au laxisme et aux mauvaises habitudes conceptuelles des bureaucrates et autres conservateurs, opposants farouches à tout changement allant dans le sens du progrès. Bouteflika proposait alors des réformes décisives en matière de justice, d'éducation ainsi qu'une modification des structures de l'Etat. Des réformes considérées, par ailleurs, comme les piliers fondamentaux et nécessaires pour la construction d'un Etat moderne. Trois rapports ont été, depuis, élaborés et remis finalement au Président lequel devait les rendre publics, les soumettre à débat ou encore, commencer derechef à les mettre en vigueur. Sur le terrain, il y a d'abord les prémices de la réforme de la justice qui sont, elles, de plus en plus perceptibles. Celle des structures de l'Etat a eu droit tout récemment à un Conseil des ministres spécial. Il ne reste désormais que la plus épineuse de toutes les questions. Celle qui a soulevé une polémique si intense et si divergente que le gouvernement semblait vouloir, à chaque fois, repousser le moment de la soumettre effectivement au débat. La réforme du système éducatif paraissait, en fait, concerner de très près les intérêts d'une certaine classe politicienne qui tantôt y percevait la fin prochaine de son règne, tantôt décelait, en elle, un véritable cheval de bataille et un argument fort à brandir, dès que l'occasion se présente, afin de se maintenir en force et gagner le soutien de la populace. Il se trouve que le débat sur cette réforme, étouffé durant un bon moment, est relancé. On parle déjà d'une réunion prochaine du Conseil des ministres pour discuter du rapport que le Pr Benzaghou avait remis à la présidence voilà pratiquement dix mois. Il est autrement clair que le contexte international actuel et l'ambition de l'Algérie d'intégrer avec force l'économie mondiale, font qu'il est plus que temps pour le pouvoir actuel de faire face à ses vieux démons et d'arrêter, une bonne fois pour toutes, de jouer la carte de la temporisation en croyant que le temps finirait par faire le reste. Les islamistes, qui se sont, plus que jamais, mobilisés pour crier haut et fort leur indignation devant un rapport qu'ils dénonçaient avec force et qui n'était, à l'époque, même pas finalisé, témoignent de leur grande détermination à défendre fermement une idéologie, malheureusement, profondément ancrée dans le système actuel. Une idéologie qui est, d'ailleurs, manifestement réfléchie dans les manuels actuels. N'est-il pas vrai que l'école fondamentale, outre l'échec scientifique et pédagogique qui la caractérise, est le véhicule, par excellence, d'une pensée étriquée, erronée et tournée vers un passé révolu? N'est-il pas urgent de rendre à l'école sa fonction de toujours, celle d'accompagner l'élève dans son apprentissage de la vie de sorte que, plus tard, il sache, seul, améliorer sa condition? Aussi, des dissertations longues sur le djihad, le divorce et autres concepts qui dépassent le bon entendement d'un enfant ou d'un adolescent ne devraient plus avoir leur place dans un programme rationalisé aux fins dépourvues de toute idéologie. Qu'elle soit religieuse ou autre. Il reste maintenant à s'interroger sur la pertinence du choix du moment pour lancer un tel débat. A quelques mois des législatives, les islamistes pourraient trouver en leur possession l'élément rêvé pour mener une campagne virulente contre ce qu'ils désigneront comme étant une atteinte à l'identité et aux précepts musulmans et une tentative «diabolique» de laïciser la société. Les autres partis, d'essence démocratique, et qui ont affiché un mutisme inquiétant concernant une question qui leur tenait, il n'y a pas si longtemps, à coeur, devraient également réagir et ne point donner l'impression de répondre faussement à un Bouteflika qui, par son initiative, leur avait coupé l'herbe sous le pied. En attendant, ne voilà-t-il pas le parti d'Ouyahia qui adopte un discours inaccoutumé et qui entend défendre le système tel qu'il sera actualisé si le rapport de la Cnrse venait finalement à être traduit sur le terrain. Il faut, par ailleurs, compter désormais avec un FLN rénové en pleine rupture avec la lignée des islamo-baâthistes et qui va devoir lancer son parti sur la voie de la modernité. Il reste finalement à espérer que le courant moderniste, dans son ensemble, prend effectivement le pas sur les conservateurs et que la réforme de l'école sera mise en oeuvre sans souffrir des débats sulfureux qu'on peut aisément éviter, car s'agissant, cette fois-ci, de l'intérêt suprême du pays et des générations à venir.