Venus tout droit de Kenadsa, les cinq femmes ont apporté avec elles une énergie et une force issues de leur style musical : le zafani. Elles sont cinq femmes qui perpétuent à leur manière la musique traditionnelle de la région de Kenadsa, wilaya de Béchar. A leur tête, la cheftaine qui nous confie interpréter ces mélopées séculaires ou kcidates lalla Fatma. Ces femmes, à savoir Aïcha, Chehba et Khira, au taro (bendir) accompagné de deux hommes, l'un au luth, l'autre au karkabou, jouent le style zafani. Ce dernier, est axé sur le jeu rythmique du bendir à travers les chants liés aux rituels des confréries propres aux femmes de la région. Des chants que lalla Fatma dit chanter dans les mariages, les fêtes de circoncision et autres fêtes religieuses qu'elle célèbre à sa façon. Lalla Fatma chante depuis 1964 et dit avoir tout appris par coeur. Le reste des femmes aussi. En fait, ces chants sont perpétués oralement et consistent à louer le prophète et le seigneur et prodiguer paix, confort sérénité et repos de l'esprit. Une sorte de guérison de l'âme que ces femmes apportent avec elles à travers toute cette énergie qu'elles aiment à véhiculer, à transmettre, libérant ainsi les mauvaises pensées et les ondes négatives. En cela, ces chants s'apparentent à de véritables jeux d'exorcisme, ce qui n'est pas étranger en effet à la musique marocaine par le tempo ou le gnawi par la transe qu'elle fait naître dans le corps des gens. Les femmes zafanates prodiguent une véritable essence thérapeutique en excellant à taper sur le bendir. C'est un vrai voyage sensationnel auxquelles elles nous ont conviés samedi soir, à la salle Ibn Zeydoun, où un public nombreux a pu se délecter des chants traditionnels de ces femmes de Kenadsa. Des chants sacrés tirés de notre patrimoine dont les louanges destinés à la prière et d'autres en hommage notamment à Cheikh Benziane, le poète et aède de Béchar. Assises à même le sol et emmitouflées dans leurs beaux habits, ces femmes simples nous ont procuré un vrai bain de jouvence revigorant le public par leurs remerciements. Un peu gênant quand-même lorsqu'il s'agira du peuple avoisinant un certain discours politique martelé par un certain président à qui elles dédieront dans leur belle naïveté une chanson, mais laquelle tournera court, pour reprendre de plus belle avec leur répertoire d'origine et ce, jusqu'au bout des applaudissements et des remous des corps. En effet, le public conquis à l'avance rendra la monnaie à cette générosité faite femme qui rayonnait sur la scène mais aussi dans la salle. Déjà produites en France et l'an dernier à l'occasion du 8 mars, ces zafanates méritent, non pas un seul concert mais plusieurs, ici et à l'étranger ou assurément, elles feront un tabac!