L'Algérie est encore loin de se considérer hors de portée de ce fléau social. Le mauvais classement de l'Algérie en matière de corruption est probablement l'un des plus importants freins à une relance effective des investissements étrangers directs. En effet, aussi bien que les politiques, les hommes d'affaires se réfèrent souvent aux appréciations de l'ONG Transparency International pour se faire une idée précise des opportunités réelles d'investissement. Or, avec 2,8 sur 10, il est clair que l'Algérie est encore loin de se considérer hors de portée de ce fléau social. Classé 97e sur 159 nations, notre pays n'est manifestement pas un exemple de bonne gouvernance. Seule satisfaction que l'on peut peut-être avoir, est que l'indice algérien progresse positivement d'année en année. Mais une satisfaction toute relative puisque l'évolution de l'Algérie vers moins de corruption dans le corps social se fait à une «vitesse de tortue» de l'ordre de 0,1 point par an seulement. Pourtant les plus hautes autorités du pays ont tenté de juguler le phénomène. En effet, sur instruction du président de la République, une cellule de travail a été mise en place au niveau du ministère de la Justice en juin de l'année dernière. Chargé de préparer un arsenal juridique, destiné à barrer la route au phénomène de corruption, ce groupe de travail a fait des propositions sur les bases desquelles la loi sur les mouvements des capitaux a été votée l'année dernière par le Parlement. Cette initiative qui, affirme-t-on en haut lieu, en appellera d'autres, jusqu'à réduire le phénomène à des proportions maîtrisables est l'une des priorités du chef de l'Etat. Ce dernier n'a eu de cesse de relever la gravité de la situation. L'une des actions «préventives» contre la corruption a été d'opérer de vastes mouvements dans divers corps d'Etat. Cependant, force est de constater que la corruption est encore très présente, au point que l'ONG Tranparency International continue de classer l'Algérie parmi les sociétés les plus corrompues du monde. Il est vrai que cette pratique, généralement plus répandue dans le tiers-monde que dans les nations développées, a des origines que l'on peut qualifier d'objectives, en ce qui concerne l'Algérie. En effet, le passage brutal de l'économie dirigée vers l'économie de marché, la grande faiblesse de l'Etat durant la décennie 90, confronté à un terrorisme barbare, a amené beaucoup d'individus sans scrupules à s'engouffrer dans la brèche, sachant l'impunité quasi garantie en ces temps de troubles tant politique, qu'économique et sécuritaire. C'est dans ces conditions extrêmement difficiles, sous la présidence de Liamine Zeroual, que la sonnette d'alarme a été tirée. Un observatoire contre la corruption a été mis en place et une vaste campagne de lutte contre ce fléau a été enclenchée. Seulement, ladite campagne a été complètement dévoyée. Et pour preuve, seul le secteur public économique a été ciblé et plus de 2000 cadres de la République ont été incarcérés, le plus souvent injustement. Pendant ce temps, des fortunes colossales, fruit de la corruption, ont été édifiées en toute sécurité. «L'opération mains propres» de 1998 a été plus qu'un grand fiasco, elle a tout simplement réduit à sa plus simple expression l'autorité morale de l'Etat algérien. A l'ombre de cet immense scandale dans les annales de l'Algérie indépendante, le phénomène, au lieu de connaître une baisse, a, au contraire, proliféré pour se généraliser à toutes les couches de la société. Plus de 6 ans après, l'on n'arrive vraisemblablement pas à lancer une véritable «opération mains propres» avec des objectifs précis. Les récentes affaires qui ont impliqué de hauts responsables de l'Etat n'ont apparemment pas eu l'impact que l'on aurait souhaité sur le phénomène. L'Algérie demeure toujours l'otage de la corruption. Malgré une volonté politique clairement affirmée par le chef de l'Etat et le ministre de la Justice, il semble que le phénomène ne régresse pas à la hauteur des efforts fournis par les pouvoirs publics. A la lumière du dernier rapport de Transparency International, il devient urgent de lancer une véritable opération d'assainissement de la vie publique, donnant ainsi un signal fort de la volonté de l'Algérie de dépasser ce fléau après avoir vaincu le terrorisme.