L'Algérie est appelée, sous peine de disparaître, à trouver les mécanismes adéquats pour, à défaut de mettre un terme à la corruption, en réduire au moins les effets. Sur instruction du président de la République, une cellule de travail a été mise en place au niveau du ministère de la Justice et dont la mission principale est de plancher sur la question de la corruption en Algérie. Annoncé hier, par le ministre de la Justice, ce groupe de travail est chargé de préparer un arsenal juridique, destiné à barrer la route au phénomène de corruption qui prend, en Algérie, des proportions que d'aucuns jugent inquiétantes. Des sources bien informées ont révélé à L'Expression qu'une date butoir a été donnée à ladite cellule qui devra rendre ses recommandations, au plus tard, la veille de l'ouverture de la prochaine année judiciaire. Celle-ci sera marquée, affirme-t-on de mêmes sources, par le sceau de la lutte contre la corruption. Un fléau auquel le chef de l'Etat compte s'attaquer avec un maximum d'efficacité, tout en évitant «la chasse aux sorcières», souvent préjudiciable à l'image de marque des institutions de la République. Bouteflika, qui n'a eu de cesse, dès son investiture pour un premier mandat, à condamner ce phénomène, a fait plusieurs déclarations sur le sujet et opéré plusieurs mouvements dans divers corps d'Etat aux fins de réduire l'importance du fléau. Cependant, force est de constater que la corruption est encore très présente, au point que l'ONG Tranparency international classe l'Algérie parmi les sociétés les plus corrompues du monde. Il est vrai que cette pratique, généralement plus répandue dans le tiers-monde que dans les nations développées, a des origines que l'on peut qualifier d'objectives, en ce qui concerne l'Algérie. En effet, le passage brutal de l'économie dirigée vers l'économie de marché, la grande faiblesse de l'Etat durant la décennie 90, confronté à un terrorisme barbare, a amené beaucoup d'individus sans scrupules à s'engouffrer dans la brèche, sachant l'impunité quasi garantie en ces temps de troubles tant politique, qu'économique et sécuritaire. C'est dans ces conditions extrêmement difficiles, sous la présidence de Liamine Zeroual, que la sonnette d'alarme a été tirée. Un observatoire contre la corruption a été mis en place et une vaste campagne de lutte contre ce fléau a été enclenchée. Seulement, ladite campagne a été complètement dévoyée. Et pour preuve, seul le secteur public économique a été ciblé et plus de 2000 cadres de la République ont été incarcérés, le plus souvent, injustement. Pendant ce temps, des fortunes colossales, fruit de la corruption, ont été édifiées en toute sécurité. «L'opération mains propres» de 1998 a été plus qu'un grand fiasco, elle a tout simplement réduit à sa plus simple expression l'autorité morale de l'Etat algérien. A l'ombre de cet immense scandale dans les annales de l'Algérie indépendante, le phénomène, au lieu de connaître une baisse, a, au contraire, proliféré pour se généraliser à toutes les couches de la société. C'est ainsi que l'expression «chippa» a fini par faire partie intégrante du comportement social des citoyens, au point que les personnes qui traitent «des affaires juteuses» sont citées en exemple. Qu'ils soient magistrats, douaniers ou policiers, les fonctionnaires de l'Etat, chacun selon ce qu'il peut soustraire, ne se gène pas pour montrer ses «signes extérieurs de richesse», au mépris des plus élémentaires règles de prudence, en pareilles circonstances. Outre qu'elle est nuisible pour le moral de la société et qu'elle rend de très mauvais services à l'Etat, la corruption constitue l'un des plus importants freins aux investissements directs étrangers. Il faut savoir, à ce propos, que les opérateurs économiques sont très sensibles aux comportements des institutions des pays dans lesquels ils ont l'intention d'investir. Un taux élevé de corruption est un facteur qui éloigne les investisseurs potentiels, pour qui la transparence de la justice est un élément prépondérant dans l'acte d'investir, mais également dans les relations économiques. En fait, l'Algérie est appelée, sous peine de disparaître, à trouver les mécanisme adéquats pour, à défaut de mettre un terme à la corruption, en réduire au moins les effets et l'amener à un taux «acceptable». C'est là, l'une des missions de la cellule installée par le ministre de la Justice, mais aussi l'objectif primordial de la réforme de la justice engagée par le chef de l'Etat, quelques mois seulement après sa prise de fonction en 1999.