Classée au 129e rang, l'Algérie a beaucoup de choses à faire en matière de liberté de la presse. L'organisation non-gouvernementale, Reporters sans frontières (RSF), a rendu son dernier rapport consacré à la liberté de presse dans le monde. Ce classement a été élaboré sur la base de rapports transmis par les organisations partenaires (14 associations de défense de la liberté d'expression dispersées sur les cinq continents) de RSF et son réseau de 130 correspondants, de journalistes, de chercheurs, de juristes et de militants des droits de l'homme qui ont répondu à 50 questions ayant permis d'évaluer la situation de la liberté de la presse dans un pays. Dans ce rapport, 167 nations y apparaissent, les autres sont absentes, par manque d'informations, selon les explications avancées par RSF. Cette position, peu enviable, vient, certes, selon certains observateurs, du fait que le pouvoir a voulu, d'une certaine façon, museler et mettre au pas la presse privée. Un état de fait largement confirmé par la fermeture du champ audiovisuel. Pour restreindre la marge de manoeuvre des journalistes, le pouvoir a édicté des textes législatifs répressifs. Ainsi note un observateur, «la liberté de la presse est en danger avec des législations liberticides, pour faire taire les opinions et museler la presse». Aussi, museler la presse c'est surtout montrer que dans un pays où la cooptation fait loi, la loi et la justice sont encore à des années-lumière et ceci explique un peu cela. De ce fait, les défenseurs des droits humains ont encore du chemin à faire. D'autant que la répression a changé de forme, devenue plus subtile et plus difficile à «constater». Devant de telles exactions commises en Algérie, l'Union européenne avait invité les autorités algériennes à adopter et à mettre en oeuvre «sans délai des mesures législatives permettant le plus grand respect des droits fondamentaux, et notamment le plein respect de la liberté de la presse et ce, conformément aux accords et pactes internationaux desquels l'Algérie est partie prenante». Les eurodéputés avaient même demandé que les délits de presse soient «définitivement dépénalisés». Néanmoins les observateurs s'interrogent sur la qualité des paramètres, objectifs ou subjectifs, ayant permis à RSF d'élaborer un tel classement. Certes, la liberté d'expression et de presse est loin d'être reluisante en Algérie, mais cela ne saurait expliquer que des pays tels que la Mauritanie, le Gabon, le Kirghizistan ou bien le Maroc, où les journalistes reçoivent leurs éditos du palais royal, soient mieux classés que l'Algérie dont le boum en matière de liberté de la presse est reconnu dans le monde arabe et africain. Aussi, ce classement élaboré sur des états d'âme subjectifs se veut un autre son de cloche que celui tenu par le président de la République qui affirmait: «On ne saurait imaginer une démocratie sans liberté d'expression ou une conscience sans différence d'opinions.» Aussi, il a rappelé qu'à travers l'adoption du pluralisme politique, l'Algérie oeuvre à revoir «ses mécanismes selon les aspirations de son peuple sans renoncer aux acquis importants (...) la démocratie demeure l'unique moyen à même de garantir les équilibres sociopolitiques requis et la souveraineté de l'Etat de droit, de justice et des libertés». Un quitus donné par les Américains qui estiment que le paysage médiatique algérien est composé de près de 43 publications «qui soutiennent ou s'opposent au gouvernement à des degrés divers», ce qui traduit de facto une liberté et un pluralisme médiatique certain, même si cela n'existe pas encore au niveau des médias lourds. Ces contradictions dans les points de vue ont au moins un point commun, celui d'exiger un réaménagement de fond en comble d'un domaine complètement laissé en jachère.