Washington a saisi au vol le prétexte que lui offrait le rapport de la mission d'enquête de l'ONU pour demander une réunion «urgente» du Conseil de sécurité. Les Etats-Unis qui cherchaient depuis longtemps à coincer la Syrie -accusée notamment de « soutenir » le terrorisme et de ne rien faire pour empêcher les combattants étrangers de s'infiltrer en Irak- ont saisi au vol l'occasion que leur donne le rapport de la mission d'enquête de l'ONU dirigée par le procureur allemand Detlev Mehlis. La réaction américaine a été rapide allant jusqu'à carrément ‘'convoquer'' le Conseil de sécurité pour une session « spéciale » consacrée exclusivement à la Syrie. Intervenant vendredi à Sime Valley (Californie, où se tenait une cérémonie d'hommage à l'ancien président Ronald Reagan), le président George W.Bush a déclaré en effet: «C'est un rapport très sérieux, devant être examiné très soigneusement et auquel le monde doit donner les suites qui s'imposent», et d'affirmer, prenant à son compte les attendus du rapport Mehlis : « Le rapport suggère fortement que l'assassinat, à motivations politiques, n'aurait pas pu avoir lieu sans une participation syrienne », appuyant fortement les déclarations de sa secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, et son ambassadeur auprès de l'ONU, John Bolton, qui ont mis l'accent sur «l'urgence» de réunir le Conseil de sécurité pour étudier le cas syrien. Mme Rice qui recevait vendredi son homologue britannique, Jack Straw, a ainsi jugé le rapport Mehlis «profondément inquiétant» indiquant par ailleurs «sur ce que nous allons faire ensuite, nous devons en discuter (et) le Conseil de sécurité devra être le point central (de toute action)». Cette dernière réserve est quelque peu faite pour la galerie, les Etats-Unis ayant déjà entrepris des consultations, notamment avec la France -qui, avec Washington, a été à l'origine de la résolution 1559 du Conseil de sécurité exigeant le retrait des troupes syriennes du Liban- et d'autres pays pour rendre effective la réunion du Conseil de sécurité qu'ils appellent de leur voeu. De fait, ces derniers jours, Mme Rice a fait de l'activisme, notamment lors de sa tournée asiatique et européenne, -où elle rencontra entre autres son homologue russe, Sergueï Lavrov à Moscou-. Ses discussions ont toutes été centrées sur la Syrie afin de rallier à Washington les principaux pays, singulièrement les membres permanents, pour instruire la cas de la Syrie -certes accablée par un rapport l'incriminant dans l'assassinat de Hariri- par le Conseil de sécurité de l'ONU. Relayant les déclarations du président Bush et de la chef de la diplomatie américaine, l'ambassadeur US auprès de l'ONU, John Bolton, a enfoncé le clou affirmant: «C'est un rapport qui frappe très fort» puis d'ajouter: «Je ne crois pas qu'il y ait le moindre doute que cela appelle une réaction vigoureuse du Conseil de sécurité» et le diplomate américain d'indiquer qu'il a pris contact avec les ambassadeurs des autres pays membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, France, Grande-Bretagne et Russie) «pour discuter des prochaines étapes» affirmant, sans pour autant donner d'autres précisions. «Nous envisageons toute une série d'options». Il est patent que lorsque M.Bolton dit: «Nous envisageons toute une série d'options» (condamnation de la Syrie), il ne parle pas au nom de ses collègues des pays permanents du Conseil de sécurité, mais bien aux nom des Etats-Unis qui attendaient de longue date de pouvoir mettre au ban des nations la Syrie et d'isoler un peu plus le régime de Damas, le Conseil de sécurité ne faisant alors que sous-traiter le cas syrien pour Washington en donnant à la condamnation (probable) -ou plus- de la Syrie, le label légal et universel qui a tant manqué aux Etats-Unis lors de l'envahissement de l'Irak. A en croire la presse américaine de jeudi, les Etats-Unis et la France se seraient entendus pour proposer de concert au Conseil de sécurité de l'ONU la semaine prochaine une, voire deux résolutions condamnant la Syrie pour ses interventions au Liban. Selon les mêmes sources, ces textes, qui seraient les plus sévères jamais proposés à l'encontre de la Syrie, pourraient être présentés dès ce mardi. De fait, Washington qui n'a jamais perdu de vue ses objectifs à long terme -faire du Moyen-Orient une arrière-cour américaine- espère bien après avoir ‘'normalisé'' l'Irak et éliminé le régime baassiste de ce pays, en faire de même avec la Syrie et bouter hors du pouvoir le Baas syrien. Ceci dit, il faut relever néanmoins que le régime du président Bachar Al Assad est effectivement mal parti si les accusations formulées à son encontre par le rapport d'enquête se confirment, -selon la version électronique du rapport, des membres de la famille du président syrien seraient mis en cause et même identifiés, dans l'affaire de l'assassinat de Rafic Hariri - mettant Bachar Al-Assad dans une position à tout le moins délicate. Dans ce cas de figure, ce serait un coup très dur pour la Syrie et pour le président Al Assad qui risque de se voir ainsi mis sur un siège éjectable. Aussi, l'affaire Hariri peut bien être l'erreur de trop qui risque en fait de creuser la tombe du régime du président syrien dont la malgouvernance menace le système politique fondé par son défunt père Hafez Al Assad.