Les dix textes-cadres délimiteront l'«aire de jeu » pour longtemps encore. Un mois après le vote plébiscite du projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale, les textes de loi qui vont encadrer le processus sont fin prêts pour adoption et application, tant au sein de l'Assemblée que dans les administrations et la justice. Selon un responsable du ministère de la Justice, les responsables du parti dissous vivant à l'étranger et qui veulent rentrer en Algérie de leur propre chef «bénéficieront de mesures spéciales». Concernant les personnes déjà condamnées, elles devront passer devant une «commission qui aplanira les contentieux, annulera les poursuites judiciaires et donnera ordre aux juridictions compétentes de procéder à l'annulation de toutes les mesures juridiques et décisions des tribunaux prises auparavant». La prochaine mise à jour des textes de loi qui passeront devant l'APN, sera rendue publique après la première semaine de novembre. Les textes, qui sont de fait applicables, iront dans les détails en ce qui concerne le statut du dirigeant politique de l'ex-FIS de retour dans son pays. Le projet de charte pour la paix et la réconciliation mentionnait de manière succincte «l'extinction des poursuites judiciaires à l'encontre des individus recherchés, sur le territoire national ou à l'étranger, qui décident de se présenter volontairement devant les instances algériennes compétentes». La quasi-totalité des dirigeants du parti dissous concernés par ces mesures de grâce ont été jugés et condamnés entre 1992 et 1994 par les tribunaux d'exception et par contumace, sans qu'ils aient eu l'occasion de se défendre ou de se faire représenter par un avocat. Les peines avaient été particulièrement sévères, allant jusqu'à la condamnation à mort. Cependant, à partir de fin 1993, aucun condamné à mort n'avait été exécuté, et il semble bien que la justice algérienne évolue vers la suppression de la peine de mort. Mais, en fait, c'est plus avec les dirigeants politiques de retour chez eux qu'avec les terroristes en armes qui décideront de faire cesser les hostilités, que la réconciliation sera réellement confrontée à l'épreuve du terrain. La majorité de ceux qui pourraient revenir en Algérie disent «ne pas être concernés» par les mesures de restriction politique soulignées par le projet de charte, et excluant de l'activité politique tout élément qui a peu ou prou participé à la crise. «Nous sommes victimes, non coupables, persécutés non auteurs de la tragédie», renchérissent-ils, tout en avançant le fait qu'ils ont quitté le pays avant la naissance même du GIA. Autre fait à prendre en ligne de compte. Pour la plupart de ces dirigeants, il s'agit d'hommes qui ont pu s'établir aux Etats-Unis et en Europe et nouent des liens ténus avec les ONG internationales, chez lesquelles ils bénéficient d'une écoute privilégiée. Si donc, demain, leurs droits ne sont pas respectés, une fois rentrés chez eux, ils ne se gêneront pas pour protester et dire qu'en fait, il ne s'agissait que d'une paix en trompe-l'oeil. D'où la difficulté de pronostiquer sérieusement sur l'avenir de l'islamisme «d'opposition» en Algérie.