Milices libyennes à Derna Courant janvier 2019, les Libyens vont se retrouver à Tripoli pour finaliser la Constitution et ouvrir la voie aux élections législatives et présidentielle prévues par la médiation onusienne avant juin de la même année... De tous les participants libyens présents à la Conférence internationale de Palerme, seul le président du Conseil présidentiel libyen, Fayez al-Sarraj, a paru nourrir un certain optimisme, allant jusqu'à constater, dans un entretien accordé au quotidien italien Corriere Della Sera, que des «progrès» ont été accomplis au terme des discussions des 12 et 13 novembre dernier. Fayez al Serraj a ainsi souligné que son pays attend «maintenant une Constitution» et qu'il lui faut pour cela organiser des élections au plus tard en juin 2019. Si la venue aussi tardive que conditionnelle du maréchal Haftar a permis de sauver in extremis le climat et les perspectives de la conférence, rien ne permet encore d'affirmer que celle-ci s'est «très bien déroulée» et qu'elle fut «un succès». Le fait même que Fayez al Serraj ait jugé bon d'appeler les différentes parties libyennes à «respecter leurs engagements pris», lors de cette conférence qui a réuni outre les dirigeants libyens, l'envoyé spécial des Nations unies pour la Libye, Ghassan Salamé, et plusieurs chefs d'Etat, de gouvernement et Hauts responsables d'une vingtaine de pays, notamment les pays voisins de la Libye (Tunisie, Algérie et Egypte) prouve que le défi demeure entier. S'il faut saluer «le grand effort» mené par l'Italie pour l'organisation de cette conférence en réunissant tous les acteurs Libyens et une participation internationale, qualifiée de «remarquable» par le président du Conseil présidentiel libyen, on doit surtout se remémorer les engagements déjà exprimés à Paris en juin dernier et la suite qui leur fut donnée par ces mêmes parties au conflit dont le maréchal Haftar est à lui seul un exemple édifiant. S'agissant d'un processus que l'ONU entend conduire avec la même détermination et les mêmes effets, on ne peut que se montrer sceptique quant à une «résolution de la crise» tributaire de plusieurs interférences, de calculs à la fois géostratégiques et pétroliers et de rivalités dogmatiques. Beaucoup se demandent, à cet égard, ce que diable, les Emirats arabes unis allaient-ils faire dans la galère libyenne, mais c'est ignorer la bataille sourde et criarde, tout à la fois, que la coalition conduite par l'Arabie saoudite au Yémen mène contre les Frères musulmans. Car bon nombre des milices islamistes qui règnent dans les trois régions de la Libye, et principalement dans la Tripolitaine, y sont attachées et c'est précisément ce contre quoi le maréchal Haftar, ennemi juré des islamistes et de leurs forces terroristes, affirme lutter sans merci. De leur côté, les milices de Misrata comme de Zintan ne veulent pas entendre parler d'une arrivée au pouvoir, sous quelque forme que ce soit, de l'ancien général de Maâmar El Gueddhafi, vaincu et fait prisonnier par les Tchadiens au Ténéré puis exilé aux Etats-Unis durant une vingtaine d'années. Avec une fausse naïveté, al Serraj voit dans la réunion de Palerme une suite logique de celle de Paris. Le fait est qu'elles ont eu lieu, toutes deux, sous l'égide de l'ONU tandis que la prochaine devrait se tenir en Libye même, sous la houlette de l'envoyé des Nations unies, Ghassam Salamé. Apparemment, les conditions sont réunies pour que se tienne, en temps et en lieu voulus, cette troisième conférence, en principe courant janvier 2019, et si tel est le cas, à Dieu ne plaise, le chemin sera balisé pour la tenue des élections reportées à juin 2019. Mais avant d'en arriver là, il faut réussir le pari majeur qui verra les Libyens approuver massivement la Constitution élaborée sous l'égide de la médiation onusienne et sans laquelle il ne saurait y avoir de quelconques consultations législatives ou autres. Tel est bien l'immense défi qui se pose aux protagonistes de la crise! Et c'est le sens du message délivré par Fayez al Serraj quand il indique que «la commission chargée de ce travail, depuis deux ans, a déjà élaboré un document qui doit être voté par le Parlement et par référendum national». Un vote qui dépend largement du bon vouloir à la fois du maréchal Haftar et de son armée nationale libyenne autoproclamée et des milices précitées, sans parler des fauteurs de troubles permanents que sont les groupes terroristes comme Daesh et les mafieux rivés sur leurs multiples trafics d'armes, de drogue et de migrants. Dans ce magma toujours incertain, il est néanmoins réconfortant d'observer avec quelle foi et quel optimisme Fayez al Serraj poursuit son oeuvre de réconciliation.