Le retrait de la Turquie qui voulait imposer sa présence à une réunion informelle dans la matinée est un signe de la forte ingérence étrangère dans la crise libyenne. La très attendue conférence de Palerme sur la Libye s'est tenue hier, mais dans un climat de tensions marqué par le retrait de la Turquie et le refus du controversé maréchal libyen, Khalifa Haftar, de participer aux travaux d'une plénière qui s'est déroulée à huis clos. Face au refus de Haftar de s'assoir autour d'une même table que ceux qu'il accuse de soutien au terrorisme en Libye, le président du Conseil présidentiel, Giuseppe Conte, a trouvé le moyen de le réunir avec d'autres acteurs libyens, lors d'une réunion informelle dans la matinée. Placée sous la présidence du chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, elle a rassemblé, outre M. Haftar, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le chef du gouvernement d'union nationale (GNA) internationalement reconnu, Fayez al-Sarraj, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, le Premier ministre russe, Dimitri Medvedev, le président tunisien, Beji Caïd Essebsi, le Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, l'émissaire des Nations unies pour la Libye, Ghassan Salamé, et le président du Conseil européen, Donald Tusk. C'est cette réunion à laquelle elle n'a pas été conviée qui a provoqué l'ire de la Turquie, dont le soutien aux Frères musulmans libyens et à l'ancien combattant d'Al-Qaïda, Abdelhakim Belhadj, n'est pas pour restaurer la paix en Libye. D'ailleurs, le refus de Haftar de participer aux travaux de la conférence de Palerme est motivé par la présence turque et qatarie, entre autres. Mais cela ne travaille en aucun cas en faveur du processus de paix, quasiment à l'arrêt, en raison de toutes ces ingérences étrangères et les enjeux économiques. L'intransigeance de Haftar et le retrait turc ont par ailleurs réussi à éclipser cette conférence, marquée aussi par plusieurs défections de chefs d'Etat, dont celui de la France et de la Russie, respectivement Emmanuel Macron et Vladimir Poutine, alors que Recep Tayyip Erdogan a envoyé son vice-président Fuat Oktay. Pour rappel, le rendez-vous d'hier intervient quelques mois après une rencontre similaire à Paris, sous la direction d'Emmanuel Macron qui a tenté de convaincre MM. Al-Serraj et Haftar de signer la paix et de pousser de l'avant un accord de paix onusien quasi-obsolète, mais qui demeure le seul cadre de discussion entre les parties libyennes en conflit, sous l'égide de l'ONU. Hier encore, l'Algérie qui désapprouve la multiplication des initiatives politiques étrangères sur la crise libyenne a dénoncé encore les interférences étrangères persistantes dans ce pays voisin. Par la voix du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, l'Algérie estime que la situation de crise en Libye persiste en raison notamment des divisions qui continuent d'exister entre les parties libyennes, de l'influence de certaines forces négatives, du faible soutien aux efforts de l'ONU en Libye et des nombreuses ingérences étrangères en Libye avec différents agendas. À noter aussi que le départ fracassant de la Turquie a en tout cas permis d'éclipser les frictions passées entre la France et l'Italie sur le dossier libyen. En mai, Paris avait fortement plaidé pour la tenue d'élections en décembre, rencontrant très vite le scepticisme côté italien, mais aussi côté américain. Des doutes partagés par M. Salamé qui a indiqué jeudi devant le Conseil de sécurité de l'ONU qu'une conférence nationale devrait se tenir début 2019, enterrant de facto la perspective d'élections avant la fin de l'année. Lyès Menacer