L'argument avancé pour l'interdiction du parti de Taleb est caduc. L'initiative de rassembler les démocrates, les relations tendues entre le FLN et le RND portées sur la place publique ces derniers mois, le retour en force de la tendance islamo-nationaliste, présagent d'une nouvelle dynamique politique. Aussi, dans le sillage de cette dynamique, les autorités vont-elles opérer un revirement politique à la faveur des priorités nouvelles nées de l'après-29 septembre 2005? A la faveur de la réconciliation nationale, le gouvernement va-t-il lever l'interdiction qui frappe la création d'un nouveau parti d'obédience islamiste, en l'occurrence Wafa de Taleb Ibrahimi? C'est dans cette conjoncture que l'équation Taleb revient sur la scène. En effet, la problématique de l'agrément du parti interdit «Wafa» pose au gouvernement un véritable dilemme cornélien. Du point de vue de la Constitution, Ahmed Taleb Ibrahimi ne contrevenait à aucune de ses dispositions puisque les statuts du mouvement ne font pas référence à la religion. La Constitution interdit les partis d'essence religieuse. Le prétexte que sa formation présentait, parmi des membres fondateurs, de nombreux transfuges de l'ex-FIS, plus de 60% selon le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Yazid Zerhouni, ne tient plus. Sous le règne de la réconciliation nationale l'argument est ainsi caduc. Pour cause, la charte pour la paix et la réconciliation nationale permet la réhabilitation totale des éléments de l'ex-FIS qui n'ont pas participé à des massacres collectifs ou déposé des explosifs dans des lieux publics. Malgré cela, Ahmed Taleb Ibrahimi qui entendait «concilier islam et modernité» se trouve toujours sous le sceau de l'interdiction. De même d'ailleurs que le FD (Front démocratique) de Sid Ahmed Ghozali qui se proposait de susciter «la relance d'une dynamique démocratique essoufflée» ces dernières années. Des refus qualifiés par plusieurs organisations de violation des procédures prévues par la loi sur la création d'associations et de partis politiques. Il est évident que la disqualification de Wafa, l'exil de Abassi Madani et l'emprisonnement de Ali Benhadj, donne un appétit politique aux leaders islamistes de l'ex-FIS qui seront affranchis de leurs contraintes grâce à la réconciliation nationale. En sourdine, c'est le branle-bas de combat au sein de la mouvance islamiste. La visite rendue par l'ancien émir de l'ex- AIS, Madani Mezrag, au siège du FLN et son désir clairement affiché d'intégrer le parti de Belkhadem, annonce une guerre de repositionnement. Les flèches de Parthes que s'échangent déjà l'ancien émir et Anouar Haddam, ne sont qu'un avant-goût de cette guerre. Simultanément, les différents courants qui composent cette mouvance s'engouffrent, doucement, silencieusement mais sûrement dans la brèche offerte par le pouvoir. En attendant le moment des décisions, le FLN semble déjà capter cette mouvance qu'il se garde bien de décourager. Etait-ce un premier pas vers un futur accord politique? Les propos tenus par Madani Mezrag lors de la rencontre avec Belkhadem à laquelle il a été convié samedi dernier, traduit la volonté de prendre le temps de bâtir un consensus au sein de la famille islamo-nationaliste. En attendant, la mouvance islamiste ne s'est pas encore relevée de ses profondes divisions même si elle semble dépasser la zone de turbulences.