L'Algérie est-elle en mesure de l'amnistier sachant que son sort intéresse aussi les grandes capitales étrangères? Le sort d' Amar Saïfi, plus connu sous le pseudonyme d'El Para, est au centre de nombreuses spéculations. Son procès a été ajourné au terme d'une instruction, émanant du ministère de la Justice, et destinée aux tribunaux criminels. Il n'en fallait pas plus pour que certains observateurs y voient les signes «d'une amnistie voilée». Contactée par nos soins, une source proche de la présidence n'a ni écarté ni confirmé cette thèse. «Je n' ai pas le dossier entre les mains. Je ne sais pas ce qu'il comporte comme éléments, en substance, je ne peux pas donner mon avis sur cette question». Et d'ajouter: «Il faut éviter de tirer des conclusions rapides sur cette question». Le «ni oui ni non» conforte la thèse évoquée, au sens où le sort d'El Para n'est vraisemblablement pas encore scellé d'une manière ou d'une autre. Plus concrètement, l'interrogation donnant El Para bénéficiaire de l'amnistie demeure sans réponse. En vertu de la charte, cet ancien chef du Gspc n'est pas concerné par les mesures amnistiantes, sachant que le texte en question exclut les «terroristes impliqués dans des massacres collectifs et ceux qui ont déposé des bombes dans les lieux publics». Et ce sont principalement les chefs d'inculpation auxquels doit répondre ce dernier devant le tribunal criminel de Tébessa. Formellement donc, le cas d'El Para ne prête à aucune équivoque, il est complètement scellé par la charte et par le suffrage universel. Alors pourquoi ces réticences officielles? Le pouvoir compte-t-il faire marche arrière? Et est-il en mesure de le faire sachant que le sort d'El Para intéresse plusieurs pays, alliés de l'Algérie, de surcroît? On citera entre autres, l'Allemagne qui avait lancé à son encontre un mandat d'arrêt international en septembre 2003, et cherche à le récupérer afin de le juger pour l'enlèvement des 32 touristes européens dont 16 Allemands. Les Etat-Unis aussi, qui ont classé le Gspc dans la liste noire des groupes terroristes affiliés à Al Qaîda, l'ennemi numéro un de l'Oncle Sam. Notre interlocuteur se montre très perplexe et se contente d'affirmer que «même s'il est amnistié en Algérie, les poursuites contre lui à l'étranger demeurent». Et qu'il sera traqué par Interpol «s'il franchit le territoire national». «Mais nous sommes encore loin de ce scénario». Cela dit, en tout état de cause, ce dernier ne peut être extradé, pour la simple raison que cette mesure ne s'applique pas aux nationaux. Afin d'avoir une idée plus claire sur ce dossier, notre interlocuteur, préconise «de se référer aux conclusions du groupe de travail chargé de l'élaboration des textes de loi ayant trait à la charte pour la paix et la réconciliation nationale». Selon notre interlocuteur, «ces derniers seront rendus publics avant la fin de l'année en cours. Je pense que c'est une échéance raisonnable». Notons par ailleurs qu'à l'occasion de ses différents meetings, tenus lors de sa campagne pour le référendum du 29 septembre, le président Abdelaziz Bouteflika n' a pas écarté définitivement le recours à l'amnistie générale, précisant que le pouvoir va procéder par «dosage» dans le traitement de la crise sécuritaire, sans pour autant expliciter cette démarche. Rappelons que le ministère de la Justice a décidé, à travers une instruction adressée aux différents tribunaux sur le territoire national, de l'ajournement de toutes les affaires liées au terrorisme. Cette décision obéit, selon l'avocat Mr Boumerdassi, à la nouvelle conjoncture politique que connaît le pays, avec l'adoption populaire de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. La note officielle qui date de deux semaines, a chamboulé, précise notre interlocutrice, le planning de la session criminelle, qui avait déjà inscrit dans son programme plusieurs procès liés à ces affaires. Le tribunal d'Alger a été le dernier à appliquer cette instruction, en renvoyant certains procès. Aucune échéance n'a été fixée par ladite instruction. «Il faut attendre l'élaboration des textes de loi qui explicitent la démarche réconciliatrice du président de la République», précise notre interlocutrice. La charte comprend notamment, l'extinction des poursuites judiciaires pour les islamistes armés qui ont déjà mis fin à leurs activités et se sont rendus aux autorités. Dans ce sens, il est prévisible, qu'un nombre important de détenus dans des affaires de terrorisme bénéficieront de la grâce. Pour le moment, beaucoup de questions restent sans réponse pour les juristes et les bâtonniers. «Ceux qui disent que la charte est très claire se trompent. Le problème se pose avec acuité pour nous autres juristes, tarabustés par les familles des terroristes ou des présumés terroristes qui souhaiteraient connaître le sort de leurs proches». «Est-ce que les membres des groupes armés qui activent à l'étranger sont concernés par le dispositif de réconciliation? Ceux qui sont en détention provisoire seront-ils graciés? Pour le moment nous préférons ne pas s'aventurer. Et attendre l'élaboration des textes de lois» Des textes qui «tardent à venir» et qui laissent les portes ouvertes à toutes les spéculations.