L'investissement dans le secteur des minoteries en Algérie d'une manière générale, et à Blida en particulier, connaît ces dernières années un remarquable engouement de la part des opérateurs économiques qui veulent investir dans un créneau qui semblait porteur, et ce, après plusieurs années de monopole exercé par la fameuse Sempac. Et dire que le temps où il fallait être «pistonné» pour pouvoir acheter de la farine ou de la semoule n'est qu'un lointain souvenir quelque part désagréable pour les grands et carrément incompréhensible pour les jeunes qui ont grandi dans un milieu purement libéral, et c'est tant mieux pour le consommateur algérien. Ce dernier n'assiste plus à des pénuries de ces produits, ô combien indispensables pour lui en tant qu'Algériens qui, faut-il le dire, sont des consommateurs avérés de pain et nos ménagères ne peuvent en aucun cas se passer de la farine ou de la semoule. On trouve depuis les années 2000 au niveau des étals des épiciers ou des supérettes, une panoplie de marques au grand bonheur des clients qui deviennent de plus en plus rois car ils peuvent prendre tout leur temps pour choisir le produit qui leur semble le meilleur et c'est déjà ça. Toutefois, cette façade camoufle une réalité tout autre et c'est carrément l'arbre qui cache la forêt. L'investissement dans ce créneau est la manière d'octroyer les agréments n'ont pas été faits selon les règles du marché car ce dernier est carrément saturé et beaucoup de minoteries risquent la fermeture. Trop de minoteries Il faut dire que la wilaya de Blida en compte à elle seule une dizaine dont une est en construction et la plupart d'entre elles souffrent d'un phénomène qui s'appelle mévente. On est vite passé d'un cas de pénurie durable et aiguë à un autre de surabondance et de concurrence déloyale et inégale entre grands producteurs et moins grands. Parmi ces meuneries, on cite l'exemple de Minoral (Minoterie nord-algérienne). Cette dernière est la deuxième relevant du privé après celle du groupe Sim, à investir dans ce secteur d'activité dans la wilaya de Blida. Son lancement remonte à 1998 et la date de la commercialisation de ses produits a commencé en 2000 et touche essentiellement quatre variétés de semoule, la farine ainsi que le son (alimentation du bétail). «Au début, et après plus de 30 ans d'investissement dans les matériaux de construction, nous avons pensé à répondre à une demande concernant la semoule et la farine qui était assez consistante car l'ex-Sempac et les rares minoteries privées de l'époque au niveau national n'arrivaient pas à satisfaire toutes les demandes et tout ça était accompagné notamment par une importation anarchique de la farine», nous dira M.Driouèche Djaâfar, directeur commercial de Minoral. Ce dernier ajoute: «Malheureusement, l'Etat n'a pas bien planifié l'investissement dans ce créneau et n'a même pas eu recours à l'étude de marché et voir le degré de la demande. D'ailleurs, à titre d'exemple, elle a investi plus de 55 milliards de centimes pour rénover l'unité de l'ex-Sempac de Blida pour être à l'arrêt actuellement. Elle a délivré aussi des agréments de production de la manière la plus généreuse à toute personne voulant investir dans ce créneau sans étude préalable, ce qui a engendré une véritable saturation où seulement quelques minoteries qui se comptent sur les doigts d'une seule main ont pu sortir indemnes, car elles ont les moyens d'écouler de grandes quantités à crédit, chose qui est impossible pour les autres». Cette situation demeure, d'après l'orateur, très grave dans la mesure où la main-d'oeuvre algérienne est vivement menacée. «Nous avons commencé avec un effectif de 96 travailleurs, et ce nombre était appelé à augmenter. Aujourd'hui, on est à 36, ce qui constitue une chute de plus de la moitié, et ce, au détriment de plusieurs familles. D'ailleurs, le constat est pour pas mal d'autres minoteries, surtout quand on sait que dans certains coins du pays, à l'instar de la région de Sétif et de Béjaïa, des dizaines de minoteries se succèdent dans le même endroit, les unes devant les autres, loin des règles du marché. Celui-ci demeure caractérisé dans notre pays par une importante anarchie, ce qui diminue de plus en plus les postes d'emploi et peut même mener à la fermeture des usines, comme c'est le cas de quelques minoteries qui n'ont pas pu continuer et résister», a-t-il dit, tout en insistant également sur le problème des banques qui accentuent encore plus ce problème, vu qu'elles ne partagent pas les risques avec elles. «Nous nous retrouvons dans une situation très critique mais avec obligation, le remboursement des créances se fait de la manière la plus régulière.» Un handicap qui ne cesse de paralyser le bon fonctionnement d'un nombre important d'opérateurs économiques. Ces derniers espèrent que l'ouverture prochaine des capitaux du Crédit populaire algérien (CPA) et de la Banque du développement local (BDL) et la rude concurrence qui s'accentuera davantage entre les banques privées et publiques constitueront le début de la vraie réforme de nos institutions financières. Le constat est le même pour les autres. Il faut dire donc que l'Etat est quelque part responsable de cette situation, car il fallait orienter les nouveaux opérateurs économiques vers d'autres créneaux en dehors de celui des minoteries qui connaissaient déjà la saturation à partir de 2002, car la concurrence ne peut se faire dans un marché non encore régulé. Pour certains, et au lieu d'aller à la banqueroute et de remercier les milliers de travailleurs qui activent dans ce secteur tout en accentuant le dur phénomène du chômage et ses conséquences fâcheuses et pour les familles et pour la société d'une manière générale, le recours à l'exportation demeure une alternative et un défi à relever pour maintenir la survie de leurs entreprises et même embaucher davantage. Dans ce sens, le continent africain demeure un marché encore vierge et porteur à la fois, d'où l'urgence de le cibler, surtout quand on sait que nos voisins tunisiens ont déjà compris l'enjeu et leur farine ne cesse de pénétrer dans le continent noir et en Libye. «Nous avons participé à plusieurs foires et expositions dans des pays africains, et nous envisageons d'exporter nos produits vers ces pays, où la demande est consistante. Toutefois, cette solution, qui demeure l'ultime recours pour nous afin de préserver notre existence et l'emploi de nos travailleurs, qui ne cesse de connaître un saignement, n'est pas quand même évidente. Franchement, l'Etat qui encourage l'exportation doit intervenir pour nous aider. C'est une affaire de l'économie nationale avant tout», rétorqua M.Driouèche tout en lançant un SOS aux décideurs pour qu'ils prennent au sérieux les problèmes touchant plusieurs entreprises, notamment celles qui activent dans les minoteries surtout quand on sait que notre Etat semble de plus en plus se préoccuper pleinement du chômage. Un cas parmi tant d'autres. Pour un économiste, ce problème n'est pas aussi grave que celui touchant le secteur du textile. Il peut facilement être résolu avec juste un peu de volonté contrairement à l'industrie du textile qui connaît une grave crise partout dans le monde à cause de la forte concurrence asiatique en général et chinoise en particulier, une concurrence qui devient de plus en plus fatale même pour les plus forts. L'expert voit qu'en attendant la mise à niveau de toutes nos entreprises et leur certification afin qu'elles puissent pénétrer librement dans le marché de l'Union Européenne et concurrencer même les produits fabriqués dans le vieux continent tout en s'inscrivant dans la politique de la mondialisation, le recours aux pays africains est une excellente solution afin de redynamiser nos entreprises tout en créant de plus en plus d'emplois et de bénéficier de l'exonération de quelques types d'impôts en guise d'encouragement pour les exportateurs. L'Etat appelé au secours Toutefois, l'Etat doit intervenir et des programmes de formation relatifs à l'exportation à leur profit, doivent se faire en urgence. «Sincèrement, je me demande l'utilité de nos chancelleries à l'étranger, notamment en Afrique dont le marché demeure encore vierge et qui ne cesse d'être envahi par les produits marocains et tunisiens qui ont su profiter de l'instabilité de notre pays durant les années 1990 pour s'imposer», dira-t-il. Il ajoute: «Néanmoins, le retour de la sécurité, l'ambitieux programme quinquennal, la disponibilité de l'argent, l'encouragement à l'exportation et la mise en place d'un office réservé spécialement à ça qu'est Promex, la qualité de nos produits qui n'ont rien à envier aux autres ainsi que la relance économique et je dirais même diplomatique que connaît notre pays après plusieurs années de chaos, accompagnée par une image de marque de plus en plus redorée, demeurent de véritables atouts pour nos diplomates en mission économique à l'étranger afin qu'ils fassent convenablement leur travail et prospecter les marchés potentiels tout en participant au développement du pays. le message est le même pour les médias nationaux notamment spécialisés qui doivent nous fournir régulièrement des informations surtout à caractère économique qui nous font défaut et que nos industriels ne cessent de réclamer». Enfin, le cas de Minoral qui touche l'industrie meunière est révélateur car passer de 96 travailleurs à 36 en moins de 5 années, reflète très bien la crise qui sévit dans ce secteur où la concurrence est insoutenable dans un marché caractérisée par l'anarchie la plus totale loin des normes les plus élémentaires de l'économie. En attendant qu'une solution soit concrétisée en cette période de mondialisation pour le «boom» de nos entreprises d'une manière générale et de nos nombreuses minoteries en particulier qui risquent la disparition et la mise à la porte de ses travailleurs, beaucoup d'Algériens espèrent voir un jour nos meuneries, dont la plupart sont sur la route de la banqueroute, se rehausser et exporter leurs produits partout dans le monde tout en investissant dans l'agriculture afin de ne plus avoir recours à l'importation des céréales, et créer davantage d'emplois comme c'est le cas de la politique menée actuellement par le ministère de l'Agriculture relative à l'encouragement de la production laitière locale au lieu d'importer en masse et à coups de milliards et surtout en devises la poudre de lait. Et dire que le jour où l'exportation dépassera l'importation chez nous, cela constituera le véritable développement de notre pays. espérons-le.