Sur la politique des salaires, M.Serrai estime qu'il faut réguler d'abord les coûts de tous les services avant de passer à l'augmentation des salaires. L'Expression: Les débats sur le projet de loi de finances 2006 reprendront aujourd'hui en séance plénière à l'Assemblée populaire nationale (APN); quelles remarques faites-vous sur le contenu de cette loi? M.Mebarek Serrai: D'une manière générale, la loi de finances 2006 a été élaborée dans un contexte où la situation actuelle du pays est excellente. Elle est un instrument clair et précis pour le développement économique à l'image des secteurs de l'équipement et de l'agriculture auxquels le gouvernement a octroyé une excellente fourchette. Malheureusement, cette loi véhicule un état d'esprit beaucoup plus fiscaliste. Elle a beaucoup de références à la fiscalité alors qu'on a besoin d'une dynamique économique telle que prônée par le président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika. Je relève ainsi des contradictions. Certaines propositions du gouvernement sont, par un réflexe de prudence, en retrait par rapport à la vision stratégique du Président. Cela confirme cette prudence affichée dans le document du gouvernement. Nous militons alors pour une loi de finances qui donne l'absolue priorité aux investissements créateurs de richesses et d'emplois. Nous militons aussi pour la démocratisation dans la distribution des richesses du pays, notamment celles du pétrole et du gaz. Le projet de loi de finances a été élaboré sur la base d'un baril à 19 dollars, une référence retenue selon le ministre des Finances en vue de garantir l'exécution du programme complémentaire de soutien à la croissance pour la période 2005-2009. Pourquoi à votre avis, ce prix de référence est toujours maintenu alors que les prix mondiaux du brut culminent à près de 60 dollars? Je l'ai déjà dit, il y a une prudence qui prévaut au sein du gouvernement. Le prix fixé par le gouvernement est pour moi une référence de prudence. Personnellement, j'applaudis cette mesure. Quels sont, selon vous, les éléments qui entravent l'aboutissement des réformes bancaires? BRLe processus de la réforme bancaire est gelé par le pouvoir de groupes occultes qui profitent pour l'instant de la non-démocratisation des distributions des revenus et des richesses du pays. Je fais appel aux députés pour que ce dossier soit sérieusement pris en charge. Concernant les taux d'intérêt bancaires fixés pour les crédits, le ministre des Finances, M.Medelci estime que seule la compétition est capable de les réguler. Quel commentaire faites-vous à ce sujet? Je dirai que c'est un nouveau langage de l'Etat puisque avant c'était lui qui décidait de ces taux. Il faudrait ainsi rechercher d'autres manières d'encourager l'investissement notamment la réduction des taux d'intérêt car l'investissement n'a pas la dynamique voulue par rapport aux moyens financiers existants. Je demande à l'occasion à ce que le président de la République intervienne pour débloquer les milliers de dossiers de crédit gelés au niveau des banques. Je suis donc pour une réduction des taux d'intérêt bancaire. Des mesures ont été prises dans le cadre de cette loi mais qui ont été rejetées par les députés, relatives notamment à la majoration des tarifs de la vignette automobile pour les véhicules diesel, estimée entre 200 et 300%, les modifications des tarifs du timbre des assurances pour les véhicules, la cession «du gré à gré» de terrains domaniaux aux promoteurs d'activités économiques et la concession du domaine national forestier. Qu'en pensez-vous? J'approuve ces amendements dans la mesure où il faut aérer ce texte pour lui donner un aspect de développement dynamique. Et dans ce cadre, il est extrêmement urgent donc d'accélérer le développement dans certaines régions notamment à Médéa, à Djelfa, à Tébessa, à Jijel, à Souk Ahras... en retard, car il existe un déséquilibre énorme en la matière. Vous avez déclaré dernièrement que l'inflation risque de redémarrer. Peut-on en savoir davantage sur cette question? De nouvelles charges seront imposées aux citoyens à partir de 2006 pour combler le déficit de fiscalité douanière induit par la signature de l'accord d'association avec l'Union européenne. Nous aurons beaucoup plus de taxes à payer dès l'année prochaine. L'Algérie perd chaque année 10% des droits fiscaux. L'Etat cherchera à récupérer cette perte auprès des citoyens. La volonté réelle de l'Algérie qui continue à faire des efforts qualitatifs pour améliorer et assurer un meilleur service lui coûtera plus cher car en contrepartie, une hausse de certaines taxes est inévitable. L'augmentation touchera certains services notamment l'eau, l'électricité, le gaz, les vignettes automobiles, les transports... etc. C'est à ce niveau que l'inflation risque de redémarrer. Il faut donc stabiliser et réguler les coûts des prix des produits alimentaires, de l'habillement, de la scolarité des enfants, du transport et tous les services qui entrent dans le cadre du développement humain qui est d'ailleurs très faible, pour pouvoir parler d'augmentation des salaires. Je suis donc pour la hausse des salaires mais avec beaucoup de prudence.