Le ton est toujours à la gravité malgré la décrue de la violence. Le gouvernement français a décidé d'étendre pour trois mois l'application de la loi de 1955 sur l'état d'urgence. Et pour la première fois depuis le début des émeutes qui ont secoué tout le pays, le président de la République s'est adressé hier aux Français. Le chef de l'Etat français a jugé cette mesure d'exception, selon le porte-parole du gouvernement, « nécessaire pour donner aux forces de l'ordre tous les moyens dont elles ont besoin pour ramener définitivement le calme » dans les banlieues françaises en ébullition depuis le 27 octobre dernier. Selon Jean-François Copé, « il est nécessaire que les autorités publiques puissent, le cas échéant, recourir à des mesures prévues par la loi du 3 avril 1955 aussi longtemps que subsiste un niveau anormalement élevé d'atteintes graves à l'ordre et à la sécurité publics. C'est une mesure strictement temporaire et qui ne s'appliquera que là où elle est strictement nécessaire et en plein accord avec les élus ». Si la droite a, dans son ensemble, applaudi cette prorogation, la gauche est très divisée. Le Parti socialiste, très mal à l'aise depuis le début des émeutes et sans ligne de conduite, ne sachant quelle option adopter, se satisfait d'exprimer « son extrême réserve ». Une attitude qui lui permet de ne pas se mouiller politiquement et de se réserver toutes les issues ultérieurement. Le Parti communiste, fidèle à sa politique de rupture, a demandé le retrait de la loi de 1955 et réclamé des moyens financiers et humains. Le PCF « demande au gouvernement de retirer la loi de 1955 et de décréter l'urgence sociale. Ces quartiers doivent figurer comme une priorité pour l'action publique, avec des moyens financiers et humains d'une ampleur sans précédent ». Le projet de loi prolongeant à partir du 21 novembre l'application de la loi de 1955, adoptée durant la guerre d'Algérie, a été approuvé par un Conseil des ministres exceptionnellement avancé de deux jours. Il sera examiné mardi par l'Assemblée nationale et jeudi par le Sénat. Les Verts ont déjà fait savoir qu'ils voteront contre. Se moquant de l'attitude du Parti socialiste, pour Noël Mamère, « ce ne sont pas des ‘‘réserves profondes'' qu'il faut exprimer, c'est une opposition frontale à cet état d'urgence qui ne fait que stigmatiser un petit peu plus ces banlieues. Ce n'est pas par la force, la répression, l'ordre et la peur qu'on résoudra le problème des banlieues, c'est en s'attaquant à la cause de cette désespérance, en ouvrant le dialogue », note le député Vert de Bègles. SOS Racisme exprime « sa totale réprobation » . « Comme nous l'indiquions lors de la décision de faire entrer en vigueur l'état d'urgence, des doutes très sérieux pouvaient être d'ores et déjà exprimés sur une telle mesure, aussi bien sur le plan du symbole historique désastreux que sur celui de l'utilité d'une telle décision. Sur ce dernier point, les faits nous ont donné raison jusqu'à la caricature : en effet, non seulement aucune mesure de couvre-feu prise en vigueur de la loi de 1955 n'a été prise dans les zones de tension », note l'organisation. La violence a amorcé sa décrue depuis plusieurs jours. « Seuls » 374 véhicules ont été incendiés durant la 18e nuit d'émeutes.