Chômage et corruption, les sujets qui enflamment A Kasserine, point d'orgue de la contestation depuis le suicide du journaliste Abderrezak Rezgui, les heurts ont surtout lieu la nuit, comme d'ailleurs à Tebourba et Jbeniana, et ils opposent les groupes de jeunes manifestants aux forces de l'ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogène. La Tunisie va mal, très mal même. Au lendemain du décès du correspondant de Telvza Tv, Abderrezak Rezgui, qui s'est immolé par le feu à Kasserine pour protester contre le chômage et la mal-vie dont souffre une majorité de Tunisiens et notamment la jeunesse, les affrontements entre protestataires et forces de l'ordre ont gagné d'autres villes du pays. A Kasserine, il n'y a pas eu d'accalmie et les échauffourées se poursuivent alors que la tension devient de plus en plus violente. De même, à Sidi Bouzid où s'était produite la flamme qui a fait parler la poudre en 2011, jusqu'à engendrer la chute du régime de Zine el Abidine Ben Ali, la contestation des tergiversations des autorités locales et centrales a pris une tournure menaçante. Une foule de jeunes diplômés à Meknassi a procédé à la fermeture de certaines administrations et au blocage des routes tout en exigeant des réponses immédiates à leurs revendications relatives à un contrat de travail signé, mais non appliqué depuis un an! Enfin, la capitale elle-même n'est pas épargnée par la grogne qui agite la Tunisie puisqu'une manifestation a eu lieu mardi soir sur l'avenue Bourguiba où plusieurs dizaines de jeunes se sont rassemblés devant le théâtre municipal, cible du récent attentat terroriste, pour protester contre la cherté de la vie. Ils ont pris la direction du ministère de l'Intérieur aux cris de «le peuple en a marre des nouveaux Trabelsi», et «le peuple veut la chute du régime». A Kasserine, point d'orgue de la contestation depuis le suicide du journaliste Abderrezak Rezgui, les heurts ont surtout lieu la nuit, comme d'ailleurs à Tebourba et Jbeniana, et ils opposent les groupes de jeunes manifestants aux forces de l'ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogène. A Jbeniana, au nord de Sfax, un policier a été blessé. Plusieurs interpellations ont eu lieu, selon le porte-parole de la sûreté nationale tunisienne, Walid Hkima, tandis que le ministère de l'Intérieur a indiqué dans un communiqué l'arrestation d'une personne impliquée dans le suicide du journaliste âgé de 32 ans tout en mettant en garde contre des Fake news visant à «embraser le pays». Lundi dernier, il s'est immolé en justifiant son acte par le fait de protester contre la dégradation des conditions socio-économiques de sa région, à Kasserine, connue pour être une des zones les plus pauvres de la Tunisie.»Pour les habitants de Kasserine qui n'ont pas de moyens de subsistance, aujourd'hui, je vais commencer une révolution, je vais m'immoler par le feu», a déclaré Abderrezak Rezgui dans une vidéo publiée 20 minutes avant le passage à l'acte. Il a peu après succombé à ses blessures, mais le drame a déclenché la colère des habitants du chef-lieu où l'occupation du centre-ville et les affrontements sporadiques dans les quartiers n'ont pas cessé depuis. Kasserine est l'une des premières villes où a commencé en octobre-novembre 2010 la grogne contre la pauvreté et la marginalisation qui s'est nourrie ensuite de l'immolation par le feu du vendeur ambulant de Sidi Bouzid, en décembre de la même année. Il semble que l'histoire aime bégayer ou, sinon, que les dirigeants ont rarement le souci de tirer des leçons salutaires de l'expérience engrangée. La Tunisie est certes dans une situation socio-économique très difficile, par manque de moyens autant que de soutiens. Les gouvernements qui se sont succédé depuis 2011 ont tous failli dans la réponse aux aspirations de la majorité des Tunisiens, de plus en plus nombreux à s'enfoncer dans une pauvreté critique. Et dans un contexte de chômage persistant et d'inflation toujours galopante, les troubles sociaux ne sont rien d'autre qu'un exutoire pour les milliers de jeunes marginalisés que n'apaisent ni les prêches fatalistes des mosquées ni les slogans opportunistes des partis politiques qui leur font miroiter des portes du paradis entrouvertes à l'horizon...