Véhicule, logement, électroménager, ameublement, ont les suffrages des Algériens. Je réalise près de 80% de mon chiffre d'affaires suivant la formule de la «vente par facilités», dit ce commerçant qui a pignon sur rue à Hassiba Ben Bouali, au coeur de la capitale. La formule est si alléchante, et le créneau est tellement porteur que des banques venues d'outre-mer s'y sont engouffrées. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, on avait cru que l'Algérien était allergique à ce type de transaction. On se rappellera que la BEA, au milieu des années 90, avait lancé, en partenariat avec une boîte d'assurances et de nombreux commerçants, une forme de crédit à la consommation, dans le domaine de l'électroménager, et l'expérience fut un flop monumental. Elle fut donc abandonnée. Sine die! Ce revirement est tellement dommage, que dans un pays qui se respecte, un jeune couple qui démarre dans la vie peut espérer se meubler et acquérir à crédit sa cuisinière, sa télé, son frigo, sa chambre à coucher, et pourquoi pas son véhicule, pour peu qu'il justifie d'une fiche de paie. Toutes ces choses qui font partie du rêve en Algérie, sans l'aide des parents ou de la grande famille. Et pourtant, la soif de consommation est telle en Algérie que les commerçants de nombreuses artères de la capitale ont repris la formule à leur compte, sans le concours des banques et des boîtes d'assurances. Dans le dernier produit mis sur le marché, à savoir Ousratic, les boîtes d'assurances ont semble-t-il refusé de jouer le jeu. C'est-à-dire qu'on en revient toujours à cette épineuse question de la frilosité des institutions financières algériennes, que ce soit les banques ou les assurances. Pour en revenir à Ousratic par exemple, on sait tous que cette formule a frappé un grand coup dans les esprits pour au moins deux raisons: d'un côté, le smicard est pris en considération. Il n'est pas éliminé par une quelconque décision administrative. Et d'un autre côté, la culture et le savoir, jusque-là réservés à une certaine classe, sont mis à la porté du plus grand nombre. Entre ceci et cela, est venu s'intercaler depuis quelques années le crédit véhicule, qui a connu différentes formules, traversé moult péripéties et goûté à diverses fortunes. Malgré son aspect séduisant, les banques algériennes, non préparées à ce type de produit, y allaient contraintes et forcées, presque à reculons. Néanmoins, la formule avait réussi à intéresser quelques banques publiques, une ou deux boîtes d'assurances privées, et des conventions triangulaires de groupes ont été signées entre les concessionnaires auto, certains organismes (comme l'éducation ou l'association des chauffeurs de taxi) et les établissements financiers. Il ne fait aucun doute que c'est le crédit véhicule qui a boosté la vente de voitures en Algérie, contribuant à renouveler le parc roulant, au grand bénéfice, des concessionnaires. Si ce marché atteint actuellement la taille de 200.000 véhicules par an, c'est en grande partie grâce à cette formule. Car il faut bien en convenir, la relation entre la banque et son client passe obligatoirement par le crédit. Malheureusement, les banques publiques, longtemps tenues en laisse, ont hésité à se jeter à l'eau; notamment à cause des scandales à répétition qui poussent les gestionnaires à confondre prudence et inaction. Des ralentisseurs sont érigés et des filtres sont mis en place pour faire en sorte que toute opération doive d'abord être placée à l'abri d'un parapluie. Or, si le parapluie protège des précipitations, ce n'est pas lui qui fait le beau temps. Les premières banques à avoir pratiqué le crédit à la consommation sont connues. Il y a eu d'abord la Cnep, qui est leader dans le créneau logement, et à un degré moindre dans le segment véhicule. A titre d'exemple, la formule Cnep a généré près de 29% des ventes des concessionnaires Renault et Peugeot en Algérie, d'autant plus que les taux d'intérêt de la Cnep défient toute concurrence (6,5). A côté de la Cnep, il est bon de citer aussi El Baraka, le CPA, la BDL. Mais ce sont surtout les banques venues d'outre-mer qui apportent un savoir-faire dans le domaine. Par exemple, la filiale algérienne du groupe français Société Générale (SG) qui compte étoffer son réseau avec l'ouverture de 40 agences à travers le pays d'ici à 2007, a déjà lancé au moins deux produits, le crédit immobilier et le crédit «bien-être», qui est plafonné à 300.000 dinars remboursables sur 36 mois, alors même que la boîte envisage de lancer des produits à destination des entreprises, des commerçants et des importateurs. Et ne voilà-t-il pas qu'une autre banque hexagonale, spécialisée dans le crédit à la consommation, vient elle aussi de se placer sur la ligne de départ. Il s'agit de Cetelem, le pôle de crédit à la consommation de BNP Paribas. Son premier responsable, François Villeroy de Galhan, a fait effectivement partie de la délégation de patrons français qui ont accompagné le grand argentier français Thierry Breton, lors de sa visite à Alger. On peut donc dire que c'est un homme heureux puisqu'il a mis à profit sa présence à Alger pour signer un accord en ce sens, au terme duquel Cetelem a obtenu l'autorisation d'exercer sur le marché algérien, dont il estime les conditions du marché semblables à celles qui existent en Europe, où il revendique la place de leader. Et à ce titre, il ne vise rien moins que plusieurs milliers de contrats dans le domaine du crédit à la consommation.