L'appareil répressif de l'Etat ne s'arrête pas au niveau de la gestion policière des événements,la justice intervient également. Les émeutes qui ont éclaté à Laghouat avant-hier sont symptomatiques du divorce quasi consommé entre l'Etat et la société, notamment les jeunes qui, vraisemblablement, recourent quasi systématiquement à la violence comme moyen d'expression pour marquer leur désapprobation face à la démission des pouvoirs publics devant leurs responsabilités. Cet état de fait constaté avec le reflux du terrorisme en 1999 semble s'installer dans la durée. Face à cette nouvelle forme d'expression juvénile, l'Etat répond par la répression. Ainsi, à Laghouat, comme à Arzew, Relizane, Biskra...et autres localités qui ont connu des troubles, la première réaction des pouvoirs publics a consisté à déployer les forces de l'ordre pour «mater» les manifestants. Dans la logique des autorités, tant centrales que locales, rien ne pourrait justifier le recours aux violences. Une façon de voir les choses, disons-le, froide, mais qui se justifie par la nécessité du maintien de l'ordre public avant tout autre considération. L'on a vu l'attitude des dirigeants lors des événements de Kabylie, où malgré la reconnaissance de la légitimité des revendications des jeunes, l'Etat est resté inflexible quant au retour préalable au calme. Cette attitude est et semble demeurer, pour longtemps encore, un principe que les pouvoirs publics n'entendent pas discuter. Ainsi, pour les troubles qui se sont produits récemment aux quatre coins du pays, la justice a prononcé des peines d'emprisonnement de six mois de prison ferme à l'encontre de six jeunes accusés d´actes de saccage, la semaine écoulée dans la localité de Beni Derguane, dans la wilaya de Relizane.. A Biskra, au tribunal de Tolga, trois personnes ont été condamnées à deux mois de prison et une amende de 2000 DA. Le même topo est constaté à El-Menéa où la justice a condamné à une année de prison, dont six mois ferme, à l´encontre des treize personnes impliquées dans les actes de pillage du marché de la ville. Des mineurs n'ont pas échappé à la prison, puisque treize d'entre eux ont écopé d'un mois de détention et une amende de 5000 DA. La répression est donc la première réponse des pouvoirs publics aux jeunes qui hésitent de moins en moins à user de violence pour se faire entendre. Cela dit, à voir les événements qui ont secoué un certain nombre de pays européens, à leur tête la France, l'on est amené à penser que le «divorce» entre la jeunesse et l'Etat n'est pas un phénomène typique à l'Algérie. Les violences urbaines que vit la France ces derniers jours renseignent sur l'importance du phénomène qui ne peut, par conséquent, s'expliquer par le seul fait de la démission des autorités locales, pour ce qui concerne l'Algérie. Même dans ce pays, qui se targue d'être une puissance économique mondiale, et qui a bénéficié de plus de 60 ans de stabilité politico-économique, on n'a pas vu venir la révolte de la jeunesse. Les violences en France, en Allemagne et en Belgique sont donc le résultat d'une véritable fracture entre les dirigeants et les jeunes, au même titre que ce que nous constatons en Algérie. Le débat en France s'articule autour de la politique de la ville qui, vraisemblablement, a été un échec dans ce pays. L'Algérie pense, elle aussi, à mettre en place un texte de loi directeur de la gestion des villes. Les pouvoirs publics espèrent trouver des réponses aux émeutes qui secouent de nombreuses régions de la République. Mais est-ce suffisant, s'interrogent les observateurs qui voient dans la propagation des violences urbaines un peu partout sur la planète, motif à tirer la sonnette d'alarme par rapport aux relations pouvoir-société qui ne se sont jamais portées aussi mal.