Dans la logique du pouvoir, le mouvement des ârchs n'a plus lieu d'exister. La tentative de reprise en main, par les pouvoirs publics, de la situation en Kabylie se traduit dans les faits par une démarche qui se veut légaliste. En effet, tous les délégués des ârchs interpellés par les services de sécurité, l'ont été conformément à la réglementation, avec notamment des mandats d'amener. Les policiers, qui ont perquisitionné dans les différents locaux ayant abrité des animateurs du mouvement, étaient munis, dit-on, de mandats de perquisition délivrés par les juridictions compétentes. En outre, les personnes arrêtées dans le cadre de la vaste opération enclenchée mercredi dernier n'ont pas été brutalisées par les policiers lors de leurs premiers interrogatoires. Ce sont les avocats des prévenus eux-mêmes qui ont affirmé cet état de fait. Le collectif de la défense sera informé aujourd'hui des chefs d'inculpation retenus contre leurs mandants. Le respect scrupuleux de la procédure judiciaire dont semblent faire montre les pouvoirs publics renseigne sur une volonté de récupérer l'autorité perdue en Kabylie, mais sans pour autant prêter le flanc à leurs détracteurs qui profiteraient de l'occasion pour crier à «la répression aveugle du mouvement citoyen». La fermeté avec laquelle les services de sécurité dispersent les manifestations, ces derniers jours, s'est traduite par l'interpellation de dizaines de jeunes. Une rigueur dans la gestion des émeutes qui n'existait pas durant les dix premiers mois des événements de Kabylie. Il faut croire que l'Etat, qui a accédé à l'essentiel des revendications contenues dans la plate-forme d'El-Kseur, a vraisemblablement l'intention de traiter les troubles qui secouent la région de la même façon que les émeutes sociales qui ont éclaté dans d'autres régions du pays. En effet, que ce soit à Djanet, à Saïda ou à Aïn Defla, les forces de police ont procédé, à chaque fois, à plusieurs arrestations et les émeutiers ont été traduits devant les tribunaux et condamnés à des peines de prison ferme pour certains d'entre eux. Dans la logique du pouvoir, le mouvement des ârchs n'a plus lieu d'exister après le discours du 12 mars dernier où la plate-forme d'El-Kseur a été vidée. De ce fait, toutes les actions de rue constatées ces deux dernières semaines, n'entrent pas dans le registre de l'action politique selon la nouvelle lecture des décideurs. Aussi, tous les animateurs, ainsi que les émeutiers sont-ils considérés comme des individus qui troublent l'ordre public. Ils auront, par conséquent, le même traitement judiciaire que celui réservé aux émeutiers de Djanet et Saïda. Cela étant, il y a lieu de s'attendre à ce que les pouvoirs publics ne tolèrent aucune manifestation publique visant à libérer les prévenus arrêtés le week-end dernier. L'on va vers une restauration de l'autorité de l'Etat en Kabylie, mais cette fois, il semble que le pouvoir entend y mettre les formes. La majorité silencieuse, qui a eu à souffrir des retombées de la crise, suivra-t-elle le pouvoir dans sa logique? L'avenir nous le dira.