Une histoire d'argent, de «fitna», que l'on veut «maquiller» en racisme... La soirée du 31 décembre était en fait un hommage à l'artiste, icône de la chanson targuie, Abraybone. Elle s'est transformée en un véritable film hollywoodien avec chantage, entrée illégale dans le territoire...Au final, c'est une histoire de gros sous que l'on veut maquiller en racisme... Racisme! Un bien gros mot dont a été accusée l'Algérie après annulation de la tournée du groupe Tinariwen. «Nous avons appris que l'Onci interdisait au groupe de monter sur scène le jour du concert à Tamanrasset, cette même ville qui nous a vus naître et où le coeur de notre public bat», a dénoncé le groupe sur sa page Facebook non sans user de ce terme étrange au pays de la Mecque des révolutionnaires. Nous avons donc décidé d'enquêter dans la capitale de l'Ahaggar pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette grave affaire. Première surprise, il n'y a eu aucune annulation de concert puisque le leader emblématique du groupe, Ibrahim Ag Allhabib, s'est bel et bien produit sur scène la nuit du 31 décembre 2018 à 23 h 20 minutes. «Une prestation mémorable avec l'étoile montante de la chanson du désert, l'étoile du Niger, Bambino», se remémorent avec beaucoup de nostalgie les jeunes de Tam qui exhibent fièrement les photos et vidéos de cet événement. On y voit clairement les deux artistes en train de faire chavirer de bonheur un public qui les adule. Celui que l'on surnomme «Abraybone» sa fameuse chevelure et sa belle guitare électrique y a fait vibrer la grande cour de Dar el imzad pleine à craquer. Mieux encore, on a appris que le leader du groupe avait été honoré par l'association «sauvez l'imzad». Ibrahim, qui est l'un des fondateurs de ce groupe mondialement connu, a reçu la distinction d'ambassadeur d'honneur de la chanson targuie. C'est la présidente de l'association elle-même qui la lui a remise avant de lui faire enfiler un beau burnous marron. Nous avons réussi à nous procurer des photos et des vidéos qui montrent «son et image» cette cérémonie où l'on voit le leader, en larmes, submergé par l'émotion. Surtout que le public lui a réservé un grand standing ovation. La famille témoigne... Que s'est-il donc réellement passé? Pourquoi le groupe crie au scandale en soutenant qu'il a été interdit de monter sur scène? Est-ce logique que l'on refuse à un groupe comme celui-là d'honorer un festival national? Il y a véritablement anguille sous roche. On poursuit notre enquête... On va alors à la recherche de Abraybone. Comme un vrai nomade; sa maison est le Ténéré de l'Ahaggar. On arrive quand même à avoir quelques contacts via des proches, mais il n'a pas voulu commenter cette fâcheuse affaire qui le touche profondément, surtout qu'il s'agit de l'honneur de son pays, l'Algérie. Car, comme l'affirme sa tante, il est de père algérien. «Il a sa carte d'identité nationale algérienne pour le prouver», affirme sa grande tante maternelle, Badi Lala, la diva du tindi. Le leader du groupe mythique de la chanson targuie laisse le soin à sa famille de répondre à cette allégation. La parole de «Lala», cette femme respectée dans les quatre coins de la planète, pèse de l'or. Surtout que c'est sous ses ordres que Abraybone, comme elle l'aime l'appeler affectueusement, a joué ses premières notes avec le reste de ses cousins dans les campements touareg de l'Ahaggar. «C'est moi-même qui les ai invités personnellement au festival «Ayam El Djanoub». J'ai cherché après lui pendant plusieurs semaines avant de le retrouver en Mauritanie; il ne pouvait refuser une invitation qui vient de moi qu'il respecte énormément», a-t-elle soutenu. «Je l'ai revu lors de la fête du chameau à Timiaouine où il m'a confirmé sa présence et son honneur de venir à Dar el imzad», a-t-elle ajouté en soulignant qu'il était effectivement venu à cette fameuse soirée où il devait être distingué. «Je l'ai vu, il était très honoré et ému. A aucun moment il ne m'a parlé d'un quelconque problème, lui qui se confie à moi comme à une mère, la sienne étant décédée», a mis en avant celle qui a joué avec lui sur scène en France où l'on peut voir une vidéo à eux deux sur YouTube. Lala s'excuse un petit moment et se retire. Elle va dignement sécher ses larmes, un fait rarissime chez les Touareg qui tiennent tête à la difficulté de la nature. Cette fausse polémique a touché très profondément la famille en général et Abraybone en particulier. «Nadû Rebi (je prie Dieu) pour qu'il punisse ceux qui ont inventé ce problème», a-t-elle pesté en réaffirmant l'état psychologique désastreux dans lequel se retrouve son neveu empêtré dans une histoire qui n'a pas encore révélé tous ses secrets. «Un hommage et non un concert» Des cousins de l'artiste confirment les propos de Badi Lala. «On l'a contacté, il a confirmé sa présence et il nous a fait part de sa volonté d'animer, seul, sans le groupe, la soirée, comme il l'a fait lors du festival du chameau à Timiaouine», assure Aneslem El Hacene, leader du groupe Imzad guitare, qui s'était aussi occupé de l'organisation de l'hommage. «C'est un artiste comme on n'en fait plus, il adore son public et voulait lui offrir un petit concert comme cadeau», a-t-il soutenu. «On s'est entendu qu'il joue avec des jeunes chanteurs locaux, il n'a jamais été question qu'il joue avec son groupe», atteste son cousin Moussa Melloul, lui aussi artiste. «Je fais partie de ceux qui devaient jouer avec lui, on a fait des balances ensemble. Il n'y avait eu aucun souci», rapporte-t-il. Cet argumentaire est confirmé par le programme de la soirée du 31 décembre dernier où il était écrit noir sur blanc: hommage à Ibrahim Ag El Habbib, Abraybone.» De mème sur celui de l'Onci, publié à la fin du mois dernier, qui annonçait la tournée de Tinariwane à Alger, Oran et à Constantine. Tamanrasset n'est aucunement citée. Que s'est-il donc passé lors de cette fête du Sud que certains veulent faire passer pour celle de l'Apartheid? Les deux cousins témoignent! «Le jour de la soirée, il est arrivé seul, très content, il a embrassé tout le monde», poursuivent-ils. Jusque-là, aucun problème! Sauf que quelques minutes avant le début de l'hommage, le reste de son groupe et son ma-nager arrivent. «Lui qui est un vrai nomade n'a pas de contacts réguliers avec eux, donc il ne savait pas qu'ils allaient venir», témoignent-ils. Une surprise qui lui a fait plaisir au début, mais qui s'est vite transformée en cauchemar. «Une vive altercation a eu lieu entre lui et son manager, il lui parlait des termes du contrat et voulait lui interdire de monter sur scène sans le reste du groupe», affirme-t-il en soutenant que cela l'avait vraiment énervé. Mais comme on dit là-bas, «soulane, soulane» (doucement, doucement, Ndlr), les choses rentrent dans l'ordre c'est tout le groupe qui va jouer sur scène sur proposition de l'Onci, qui, évidemment allait les rémunérer. Des passeports sans cachet des douanes! C'est là que les choses se corsent! Comme il est de coutume dans ce genre d'événements, les pièces d'identité des artistes sont demandées par les organisateurs. Abraybone a donné la sienne avant eux. Sauf que selon les témoins de la scène, dont les deux cousins, le manager présente des passeports maliens. Pas de soucis jusque-là! Néanmoins, ces passeports ne contenaient pas le cachet de la police des frontières (PAF). «Il nous demande de les cacheter sur place. Dans le cas échéant, le groupe ne monte pas sur scène», révèlent-ils. Sommes-nous dans une République? Les lois algériennes comptent-elles pour du beurre? Ce Français se trompe-t-il d'époque? Autant de questions que l'on est en droit de se poser avec ce genre d'histoires. Mais attendez, le plus beau reste à venir! Tenez-vous bien, ces Touareg disposent de la double nationalité. Comme le confirme un haut gradé de la PAF à Tamanrasset qui a requis l'anonymat. «On nous a signalé cette grave histoire, on est venu pour voir de quoi il en était. A notre grande surprise, il n'y avait aucun problème. A notre arrivée, ils nous ont présenté leurs cartes d'identité algériennes. Fin de l'histoire!», a-t-il dit, en démentant au passage tous les racontars qui entourent cette polémique. Par la suite, on découvre que la majorité des membres du groupe vit à Tam. Passeport malien A l'image de Eyadou Ag Leche qui habite a quelques encablures de Dar el imzad où s'est tenue la soirée. Mieux encore, l'un d'eux, Khatali Elagagh est le fils du directeur de l'agence foncière à Tamanrasset, Khatali Hamid. Alors, pourquoi donc avoir refusé de présenter leurs pièces d'identité algériennes, préférant l'illégalité? La réponse «Money!» qui n'ira pas dans les poches du staff du groupe. Il faut comprendre la complexité des noms touareg pour comprendre cette histoire qui nous sort directement des films hollywoodiens. On nous explique que sur les passeports maliens, il y a un nom différent que sur les passeports algériens. Au Mali, on donne un prénom suivi de «Ag» et le nom du père. Chose qui est différente chez nous. «Le manager a signé avec les membres du groupe qui portent les noms maliens, et non algériens», assurent les cousins de Abraybone. «Donc, pour la loi, ce sont deux personnes différentes. Il avait peur de ne pas percevoir son argent à cause de cette ambiguïté d'où son débarquement lors du concert et le chantage qu'il a tenté d'exercer afin que les organiseurs violent la loi!», insistent-ils. Pourtant, une source à l'Onci, nous fait savoir qu'un arrangement «légal» aurait été trouvé pour pallier cette ambiguïté. «Mais celui qui réclame l'argent de la tournée qui n'a jamais eu lieu a choisi un autre moyen...», soutient la même source. «C'était au manager de faire une demande d'entrée pour lui, sa femme et son ingénieur du son. Mais pas pour son groupe», ajoute la même source. Avait-il d'autres visées? Voilà donc ce qui s'est vraiment passé à Tam en cette fameuse soirée du réveillon de fin d'année. Une histoire d'argent de la «fitna», que l'on veut «maquiller» en racisme...