Le Sommet mondial sur la société de l'information n'a pas tenu toutes ses promesses. L'enjeu du contrôle de l'Internet a été diplomatiquement esquivé, une formule polie ayant été retenue qui laisse Européens et pays du Sud sur leur faim. Les grandes puissances ont d'ailleurs boudé le rendez-vous, auquel ont surtout pris part les dirigeants africains et asiatiques. Il est significatif qu'aucun chef d'Etat du G 8 n'ait jugé utile de faire le déplacement de Tunis, preuve que la réduction de la fracture numérique est autant sinon plus mésestimée que la question du développement durable. C'est que le Nord veille jalousement à préserver son avancée vers une société post-industrielle qui lui assure la mainmise sur le commerce mondial et le savoir. La création d'un fonds pour la réduction de la fracture numérique, alimenté à hauteur de 8 millions d'euros, a tout l'air de l'arbre qui doit cacher la forêt. Les technologies de l'information et de la communication sont, certes, une chance historique pour combler le fossé actuel entre inforiches et infopauvres, mais encore faut-il qu'elles soient absoutes de tout protectionnisme et de calculs politiques divers. Or, les pays occidentaux, notamment, ne semblent pas prêts à consentir un partage démocratique du savoir, un commerce plus équitable, une administration participative de tous les efforts et de toutes les bonnes volontés, une télé-éducation à même de briser l'isolement des pays pauvres en matière de connaissances, etc. Derrière l'argument du cyber-contrôle que pourraient exercer certaines dictatures sur leurs internautes, il y a en fait un refus de l'avènement d'une culture universelle interactive et, plus encore, d'une gestion commune de la planète. Tous les blocages observés à Genève sont demeurés pendants à Tunis, malgré le vent d'optimisme qui a soufflé au premier jour sur le sommet. Le MIT a certes fait sensation avec l'annonce d'une possible mise en oeuvre d'un ordinateur portable à manivelle dont le coût serait de 100 dollars et qui serait principalement destiné aux écoliers de la zone sud, mais est-ce bien là la cerise sur le gâteau? Internet est aujourd'hui partie intégrante de l'économie mondiale et les conclusions du Smsi de Tunis auront au moins permis de convenir, quand bien même de façon formelle, que seule une approche multilatérale, associant pays riches et pays pauvres, Etats et société civile, secteur public et secteur privé, peut permettre d'accéder à une démocratie planétaire dont tous les peuples de la planète pourraient se revendiquer. Le meilleur des mondes, qui sait!