Une délégation parlementaire marocaine a été reçue par Dadoua et Saâdani. Un pas en avant, deux pas en arrière, telle semble être la démarche suivie par les dirigeants maghrébins. Toute avancée est suivie tout de suite après par un recul notable. On rétablit les visas pour laisser fermées les frontières. On reprend de la main gauche ce qu'on vient de donner de la main droite. Lorsqu'au mois de mars dernier, à l'occasion du Sommet de la ligue arabe abrité par la capitale algérienne, tous les dirigeants maghrébins avaient marqué l'événement de leur présence, on avait dit ça y est, la construction du Maghreb est sur les rails. Le souverain Mohammed VI avait prolongé son séjour au-delà de la fin du sommet. Le leader libyen jouait les touristes, avant d'être fait docteur Honoris causa par l'université Benyoucef Benkhedda d'Alger. Le président Ben Ali, qui n'a jamais fait défection, avait été parmi les premiers à arriver à l'aéroport Houari-Boumediene. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, et les dirigeants maghrébins filaient une parfaite lune de miel. Ce chorus maghrébin était d'autant plus éloquent qu'il faisait pendant au boycott discret des émirs du Golfe, autant pour marquer leur distance vis-à-vis d'une démocratisation programmée de la ligue, - et donc forcément des régimes arabes, oligarchiques pour la plupart,- que pour ne pas gêner Hosni Moubarak aux entournures. Dans la lancée de cette euphorie ultra-maghrébine, on a vu fleurir des initiatives pour rendre irréversibles les premiers jalons qui venaient d'être jetés. Des universitaires, principalement ceux du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie, s'étaient regroupés et avaient appelé à dépasser les différends conjoncturels pour mieux appréhender l'avenir. Les organisations patronales, des hommes d'affaires et même les chambres de commerce, multipliaient les appels allant dans le même sens. L'une des rencontres les plus importantes s'était déroulée dans la ville de Oued Souf, sous l'impulsion de l'homme d'affaires Djilali Mehri. Le plan d'action élaboré touchait presque à tous les domaines, mais l'économique était un peu la locomotive qui devait tirer le wagon de la construction maghrébine. Des expériences de par le monde ont montré, y compris dans le cas de l'Union européenne, que les échanges économiques, les relations commerciales et le partenariat restent les meilleurs atouts. Lorsque, enfin, la société civile et le mouvement associatif se mettent de la partie et que la circulation des personnes devient de plus en plus dense, peuvent alors intervenir les instances politiques pour avaliser toute cette dynamique. Le problème justement, dans cette région du Nord de l'Afrique, c'est que le politique écrase tout le reste et tant qu'il en sera ainsi, on n'aura pas beaucoup avancé dans ce grand projet de l'unité maghrébine. C'était vraiment un vrai plaisir, la dernière fois, de capter sur une chaîne satellitaire marocaine, un concert donné par le chanteur algérien chaabi Abdelkader Chaou. Ne dit-on pas que le langage de la musique est un langage universel. Mais au sein du Maghreb, tout le monde sait que nous parlons la même langue et avons la même sensibilité artistique, les mêmes coutumes et les mêmes traditions. Et bien sûr, le même Nif et les mêmes entêtements, ce qui nous a empêché, sans aucun doute, jusqu'à une date récente de dépasser nos petites inimitiés. Gênées par ces raisonnements à courte vue, les instances et institutions internationales ont proposé moult démarches pour accélérer la construction et l'intégration économique au Maghreb: Américains, Européens, Banque mondiale. La dernière en date est celle du FMI. Cependant, on entend déjà des cris d'orfraie pour dénoncer l'ingérence du FMI. Que faut-il en penser? N'y a-t-il pas là une certaine hypocrisie? Quand au début des années 90, les caisses de l'Etat étaient vides, et que les réserves alimentaires n'étaient que de trois jours, on avait eu recours à un stand-by dans le paiement de la dette extérieure, avant d'obtenir un rééchelonnement, puis un plan d'ajustement structurel. Mais aujourd'hui que les caisses du Trésor sont pleines à craquer, on crie haro sur le FMI. Est-ce vraiment raisonnable? N'est-ce pas que c'est là, au contraire, qu'on doit redoubler de vigilance pour ne pas retomber dans les erreurs du passé?