Les états-majors des partis devront accepter le jeu des alliances locales. Sitôt connus les résultats des partielles en Kabylie, qu'on voit débuter les manoeuvres pour constituer des coalitions en mesure de gérer les nouvelles Assemblées populaires communales issues du scrutin. En fait, dans la majorité des localités, il ne se dégage aucune majorité claire. Les partielles n'ont pas donné lieu à un raz-de-marée en faveur d'un parti au détriment des autres. Ni les FFS ni le RCD, qui étaient en terrain conquis il n'y a pas si longtemps, ne peuvent se prévaloir d'une victoire écrasante et d'une domination sans partage. L'arrivée inopinée du FLN, et dans une moindre mesure du RND change la donne de la région. Quant aux indépendants, nul ne peut prévoir dans l'immédiat de quel côté vont pencher leurs voix. Il est fort possible que dans de nombreuses communes, les élus opteront pour un maire sans couleur partisane. Les coalitions sont donc des passages obligés. Comme toujours en pareil cas, on s'apercevra à l'oeuvre que les clivages politiques seront transcendés. La couleur partisane s'effacera devant la nécessité de trouver des majorités stables et gérables. On verra alors que les frères ennemis et les adversaires héréditaires peuvent bien trouver un terrain d'entente sur des questions où la politique n'a rien à voir, comme construire une école, bitumer une route, améliorer les prestations des structures de santé, rendre l'administration plus proche des citoyens. Trente ans de parti unique ont laissé des séquelles et il a été démontré que les nouveaux partis issus du multipartisme n'ont pas donné des leçons d'efficacité et de meilleure gestion. Les émeutes qui éclatent un peu partout à travers le territoire sont une preuve que les choses ne vont pas comme elles devraient aller. De nombreux élus ont eu des démêlés avec les justice. Certains ont même été condamnés à des peines d'emprisonnement. Le phénomène a malheureusement touché toutes les formations politiques. Nul n'est à l'abri. On promet monts et merveilles durant la campagne électorale, mais une fois élus, on s'occupe d'abord de régler ses propres problèmes et ceux des amis. A la limite direz-vous c'est humain. Oui, sauf que pendant ce temps, les affaires de la cité sont négligées ou carrément passées à la trappe. Les élus et les partis eux-mêmes le savent, les élections locales ne visent pas à renforcer un parti au détriment d'un autre, mais bien plutôt à poser les problèmes des populations locales. Et à les résoudre bien sûr. Dans l'isoloir, on donne de préférence sa voix à quelqu'un qu'on connaît et qu'on sait compétent à gérer les problèmes quotidiens des gens. On ne vote pas spécialement pour tel ou tel leader politique charismatique, car il ne s'agit pas d'une élection présidentielle, mais pour un voisin ou un cousin. Les relations familiales ou tribales entrent en ligne de compte. C'est la raison pour laquelle on rencontre des fiefs du RCD ou du FFS : si le responsable du parti (et donc ses candidats) font partie du clan, les gens voteront pour lui. La constitution des coalitions elles-mêmes suivra cette logique. On a par le passé, à travers le territoire vu des élus voter contre un maire de leur propre parti, parce que pour une raison ou pour une autre il ne répond pas à leur attente au niveau local. Cette logique de la préférence locale au détriment de la solidarité partisane jouera encore une fois à fond d'autant plus que les résultats sortis des urnes ne donnent pas de majorité confortable aux partis. Cela veut dire tout simplement que les états-majors des partis à l'échelle nationale n'auront plus le pouvoir d'imposer le nom d'un maire. La chose en l'occurrence leur échappe des mains. C'est le jeu des alliances locales et des intérêts extra-partisans qui pèseront de tout leur poids et auront le dernier mot. Les partis feront avec. Ils accepteront forcément ces règles du jeu, tout heureux qu'ils sont de voir revenir le calme et la sérénité en Kabylie. Du reste, c'est la raison pour laquelle beaucoup de gens ont titré hier : la Kabylie enfin normalisée. Après tout que demande le peuple: avoir un maire, et des services administratifs qui fonctionnent plus ou moins normalement, c'est-à-dire avec les problèmes de bureaucratie qu'on connaît en Algérie. On se battra pour des listes de logements, on érigera des barricades pour exiger de l'eau courante, on brûlera des pneus pour exiger l'ouverture d'une nouvelle route. Rien de plus normal dans un pays où les autorités gèrent les affaires des citoyens au pifomètre.