Tandis que certaines formations politiques se sont déjà mises en ordre de bataille, en prévision de la campagne électorale pour la présidentielle de décembre 2019, le parti tunisien Ennahdha vient balayer les doutes en déclarant qu'il «est concerné par l'élection présidentielle et présentera un candidat». C'est en tout cas ce qu'a affirmé, dimanche soir, le président du conseil de la choura, Abdelkarim Harouni, qui a ajouté que la «position du mouvement ne sera pas neutre comme c'était le cas en 2014». «Le conseil de la choura a appelé le bureau exécutif à examiner les différents scénarios qui prendront en considération l'intérêt de l'Etat et celui du parti en présentant soit un candidat choisi parmi les dirigeants du parti ou bien en appuyant une candidature de l'extérieur», a tenu également à préciser M. Harouni. Y aura-t-il, de ce fait, un new deal entre son parti et la candidature esseulée de Moncef Marzouki, l'ancien président soutenu alors par Ennahdha? Peu probable, car le poulain du Qatar n'a plus la cote au sein de la formation de Rached Ghannouchi. Laquelle vient de clore tout juste les travaux du majliss echoura, à Hammamet, pour constater que toutes les données ne sont pas encore établies et qu'il reste donc du temps pour décider de la marche à suivre, en fonction des candidats avérés et des éventuelles alliances qui pourraient être tissées au cours des prochains mois. Pour ne pas changer, Ennahdha affirme que le moment venu, son choix se fera en fonction de «l'intérêt du pays», semblant occulter le débat en son sein qui divise les partisans d'un gouvernement issu des urnes et ceux qui prônent toujours un gouvernement de technocrates, sous-entendu la reconduction de l'alliance avec Youssef Chahed et ses partisans. D'ailleurs, le conseil de la choura n'a pas été par quatre chemins et il a clairement plaidé en faveur de cette dernière option, en défendant avec une belle constance «le gouvernement de coalition nationale actuel présidé par Youssef Chahed», dont l'expérience «doit être poursuivie». Il faut dire que l'argumentaire de Ennahdha a de quoi convaincre les indécis puisque le parti islamiste justifie sa position pérenne par la volonté et le souci de soutenir la stabilité du gouvernement, en vue de lui permettre de mener à bien les réformes économiques engagées, relever les défis sociaux comme celui d'une corruption galopante et, cerise sur le gâteau, «préparer le pays pour des élections libres et transparentes». Insistant sur le rôle de la justice, le parti Ennahdha considère que les tentatives d' «utilisation du pouvoir pour les intérêts d'un parti au détriment d'un autre» doivent être sanctionnées sévèrement et on devine, sans peine, à qui s'adresse tout particulièrement le message, dans le contexte de bras de fer que se livrent, depuis plusieurs semaines, voire depuis quelques mois, Ennahdha et la formation naissante de Youssef Chahed, d'une part, et Nidaa Tounes, d'autre part. Si tout indique l'amorce d'un duel féroce entre les deux clans en lice, dès le début du printemps 2019, il ne faut pas, non plus, vendre la peau de l'ours avant l'heure et exclure une soudaine et spectaculaire réconciliation entre les vieux briscards que sont Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi, avec, en toile de fond, «l'intérêt du pays», bien sûr!