Le secrétaire à la Défense de Bush, d'habitude ouvertement optimiste quant à l'issue de l'aventure américaine en Irak, vient de jeter le gant. Après être passé sur le gril devant le Sénat, où des démocrates ont demandé sa démission, Donald Rumsfeld avoue aujourd'hui que la guerre en Irak n'est pas une petite promenade de santé, comme le clamaient les ultra-conservateurs au pouvoir à la Maison-Blanche. Prédisant l'intensification de “l'insurrection” en Irak — et le mot est bien de lui qui, auparavant, voyait dans les actes de la résistance irakienne la main exclusive du terrorisme islamiste — le patron du Pentagone s'est lâché pour admettre que la violence en Irak ne serait vaincue que par les forces irakiennes et non pas étrangères. Bush, en fin de compte, ne voit pas le bout du tunnel, un an après le transfert de souveraineté par l'armée américaine au pouvoir irakien, pourtant doté d'assez de légitimité à l'étranger. Après quatorze mois d'occupation, l'armée américaine avait transféré, le 28 juin 2004, la souveraineté à un gouvernement irakien intérimaire, mais le pays reste encore ravagé par les violences. Washington, qui ne pavoise plus sur ce dossier, est convaincu que la normalisation en Irak prendra du temps. Selon Donald Rumsfeld, qui s'est exprimé sur les trois grandes chaînes de télévision américaines, les Etats-Unis vont probablement changer de tactique en axant leurs efforts, non plus sur leur présence sur le terrain mais sur l'armement, la formation et l'encadrement technique des forces armées irakiennes. Dans cette tâche, Bush a déjà obtenu la coopération de l'Otan en dépit des réserves de Paris et de Berlin, qui restent, cependant, sans effets maintenant que Chirac et Schröder sont en difficulté dans leurs propres pays. Les aveux de Rumsfeld tombent à l'approche de l'adoption de la Constitution irakienne, prévue mi-août, et la tenue des élections, en décembre. “Je m'attends à voir une escalade de la violence entre maintenant et les élections de décembre”, a-t-il déclaré, précisant que le nombre moyen d'attaques quotidiennes des “insurgés”, de 57 en janvier, février, mars et avril, est remonté à 70 en mai. Il a souligné, en outre, que le nombre de militaires américains tués aux combats avait doublé ces deux derniers mois. Face au scepticisme grandissant aux Etats-Unis dans l'opinion publique et dans la classe politique sur la situation en Irak, Rumsfeld a reconnu que des contacts avaient lieu avec les “insurgés”. “Nous facilitons de temps à autre” ce type de rencontres, a-t-il avoué, confirmant les révélations du journal britannique Sunday Times. D. Bouatta