La citadinité ne peut être appréhendée que sous sa dimension plurielle. Un colloque international intitulé «Images et citadinités» a lieu à l'Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme d'Alger (El Harrach) où il se poursuit jusqu'au 1er décembre. Réunissant des urbanistes de renom national et international dont l'urbaniste Deleuze, concepteur de la Nouvelle-Ville de Sidi-Abdellah, ce symposium est une initiative d'une équipe pluridisciplinaire réunissant des spécialistes français et algériens. Il intervient immédiatement après les derniers événements qui ont ébranlé les banlieues françaises, et qui voient les architectes réfléchir aujourd'hui sur l'impact de «l'image de la cité» sur le mental des personnes. Cette importante rencontre est également le fruit d'un travail collatéral mené par les équipes algérienne et française qui oeuvrent désormais au titre d'un projet intergouvernemental (entre la France et l'Algérie) visant à revisiter le concept même de la cité moderne qui «littéralement explose». La rencontre est placée sous l'égide du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Embrassant la citadinité sous une dimension plurielle, les spécialistes comptent décortiquer la dimension sociale de l'espace urbain et son interprétation à travers les époques et les lieux. Les travaux du colloque se déroulent en ateliers. M.Kassab Nasredine, architecte urbaniste, est versé dans les questions du patrimoine et membre de l'équipe de recherche côté algérien, dans un projet Cmep intergouvernemental. Il en parle. L'Expression: Pourquoi avoir choisi le thème bien précis d'images et citadinités à ce moment bien particulier? M.Kassab: Déjà parvenu à son terme, ce colloque vient parachever quatre années de travail mené en commun par les équipes algérienne et française. Quels sont les débouchés de ce projet? En raison de la problématique à la fois complexe et d'une extrême actualité que pose aujourd'hui la cité, l'on ne peut que poser sur la table toutes les questions en rapport avec la ville. Il s'agit donc de présenter les choses sous toutes les dimensions possibles. Il s'agit donc de débattre de l'image de la ville? Comme vous l'aurez remarqué «images et citadinités» est un intitulé au pluriel, il a effectivement fait l'objet d'un débat au niveau de l'équipe algéro-française; ce qui a abouti à cette unique formulation. De toutes les manières, l'image ne peut être formulée que sous ses dimensions plurielles. Il en est de même pour la citadinité! Justement, pouvez-vous nous expliquer encore plus cette notion d'image? Pour vous répondre, je vais essayer quelque peu de me départir de ma position d'architecte et d'urbaniste au profit de mon profil de spécialiste du patrimoine. Il est patent que notre mental accumule un certain nombre d'images que nous transmet l'environnement, images que nous mémorisons différemment en fonction de nos distinctes expériences, notamment l'expérience sensorielle. Une accumulation d'images se fait donc à travers la représentation mentale, images qui ont cette capacité de resurgir à tout moment, vu qu'une image passée peut resurgir dans notre présent. Une notion d'image qui renvoie tout de même à l'ensemble de la ville, une ville moderne de plus en plus agressée? Il est vrai que la ville est agressée. De par sa fonction de miroir, la ville ne peut dans ce cas que renvoyer des images faites d'agressions. Les stigmates de ces multiples agressions apparaissent ainsi dans notre quotidien, nous les vivons et il y a lieu d'y réfléchir plus que jamais. A ce titre, je rappelle que l'objectif que s'assigne cette manifestation n'est pas tant d'arriver avec des solutions prêtes à l'emploi. Car ces dernières demeurent complexes et beaucoup d'entre elles restent figées; l'on ne peut donc les envisager que sous l'angle de la souplesse et de la flexibilité. Il est question pour nous maintenant de poser les véritables questions et les véritables pratiques. Des sommités de l'architecture participent à ce symposium. C'est un fait, mais nous avons également invité à ce colloque des experts de divers horizons, brassant des disciplines plurielles. Participent à ce colloque des sémioticiens, des spécialistes de l'image, des anthropologues, des architectes urbanistes et ceux versés dans les questions du patrimoine et des sociologues. Sont escomptés donc différentes visions, un débat et une contribution croisée afin de mieux cerner l'image de la ville. Pensez-vous que la Nouvelle-Ville de Sidi-Abdellah pourra être un modèle à suivre pour les villes du futur? A ce niveau bien précis, le débat demeure très ouvert et très large. D'autant qu'il s'agit là d'une problématique assez particulière, celle des villes nouvelles. A ce propos, l'on ne peut que rappeler ce qui a déjà été vécu à la faveur de la construction des grands ensembles que nous connaissons. Une expérience qui n'a pas manqué de renvoyer aux questions d'identité et d'ancrage dans la société, étant admis que l'usager ne manque jamais de rencontrer des difficultés dans son vécu, dans un cadre bâti manquant d'épaisseur historique et culturelle. Pensez-vous que votre travail signera l'épilogue du conflit opposant architectes et décideurs dans leur conception de la cité? A mon avis, il n'y a pas lieu de parler de confrontation entre l'urbaniste et le décideur politique. Je remarque qu'il y a plutôt des rôles qui reviennent aux uns et aux autres, étant entendu que l'urbaniste s'inscrit dans une politique et une stratégie globale en termes de production urbaine qui revient pour beaucoup au décideur. Libre à l'urbaniste d'utiliser à fond ses compétences pour imposer des balises qui doivent encadrer ce bâti.